CAÏN ET ABEL


CAÏN ET ABEL.

En l’an VI ou VII av.J.C. l’auteur fervent, revoyant  la société de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, la symbolise en deux personnes : Caïn, le nanti, fils des campagnes et des villes, et Abel, gardien des brebis, résidant sous les tentes ; si faible et fragile que son nom signifie flammèche et vapeur s’éloignant et disparaissant.

Quant à Caïn, dont le nom, de par sa descendance, est lié au sens des métaux et des armes en fer  en provenance  de l’0ccident (Gn.4, 22) :

« De son côté, Çilla enfanta Tubal-Caïn :

Il fut l’ancêtre de tous les forgerons

En cuivre et en fer... .»

Distançons le sens allégorique de Caïn, personnalité citadine et celle d’Abel, de la classe bergère, pour découvrir les particularités de l’un et de l’autre à travers les Saintes Écritures.

a)- Caïn, l’aîné.

Nous lisons dans le Livre de la Genèse (Gn.4, 1-2) :

«L’homme connut Ève, sa femme ;

Elle conçût et enfanta Caïn  et

Elle dit :

‘J’ai acquis un homme de par Yahvé’.

Elle donna aussi le jour  à Abel, frère de Caïn.

Or Abel devint pasteur de petit bétail

Et Caïn cultivait le sol. »

Etant le suivant de son frère, Abel attend sa protection. Occupant un rôle distinctif de premier-né, Jacob, bénissant ses douze enfants, les présente de la manière suivante (Gn.49, 3) :

«Ruben, tu es mon premier-né,

Ma vigueur,

Les prémices de ma virilité,

Comble de fierté et comble de force, … »

L’aîné d’une famille accorde à son géniteur vigueur et autorité et il en tire orgueil et fierté. Jusqu'à aujourd’hui, on attribue aux aînés des ‘qualités guérissantes’ et soignantes ; par exemple s’il enjambe un malade, il le guérit. Dans nos sociétés orientales, la mère se prénomme Mère de son aîné, de même pour le père. L’Évangile johannique en parle (Jn.2, 1-3) :

« Le troisième jour, il y eut des noces à  Cana

De Galilée,

Et la Mère de Jésus y était.

Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples.

Et ils n’avaient pas de vin,

Car le vin des noces était épuisé.

La Mère de Jésus lui dit :

‘Ils n’ont pas de vin. »

Le procréateur en vie, le premier-né possède une place de choix parmi ses frères et  sœurs. Lors du décès du père, l’aîné le remplace en tant que chef de famille, percevant deux parts d’héritage par droit d’aînesse : propos cités par rapport à la femme aimée comme Rachel et la femme non aimée, comme Léa pour Jacob. Le législateur précise (Dt.21, 16-17) :

« …Cet homme ne pourra pas,

Le jour où il attribuera ses biens à ses fils,

Traiter en aîné le fils de la femme qu’il aime,

Au détriment du fils de la femme qu’il n’aime pas,

L’aîné véritable.

Mais il reconnaîtra l’aîné dans le fils de celle-ci,

En lui donnant double part de tout ce qu’il possède :

Car ce fils, prémices de sa vigueur,

Détient le droit d’aînesse. »

Le premier né est l’aîné, quelque soit sa maman. Ainsi en est-il de Caïn. Détenteur de droit, il a aussi des devoirs : grâce à lui, la foi se transmet de père en fils, des grands parents aux parents, et des pères à leurs enfants. C’est la mission d’Abram  ou  Abraham, fils de Térah (Gn.11, 27 et 18,19) :

«Voici la descendance de Térah :

Térah engendra Abram, Nahor et Harân.

Harân engendra Lot. »

«Car je l’ai distingué,

Pour qu’il prescrive à ses fils

Et à sa maison après lui

Garder la voie de Yahvé en accomplissant la justice et le droit ;

De la sorte, Yahvé réalisera pour Abraham ce qu’il lui a promis. »

Caïn, a-t-il effectué son devoir, comme l’informe la Sainte Bible ? Son offrande déplaît à Yahvé, alors qu’elle doit être exemplaire, comme celle d’Abel et de ses frères (Gn.4, 3-5) :

« Le temps passa et il advint que Caïn

Présenta des produits du sol en offrande à Yahvé,

Et qu’Abel de son côté, offrit des premiers-nés de son troupeau,

Et même de leur graisse.

Or Yahvé agréa Abel et son offrande.

Mais il n’agréa pas Caïn et son offrande,

Et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu. »

Comment Caïn comprend-il  que Dieu n’accepte pas son présent ? - La terre se dessèche, la maigre récolte s’altère. Quant au troupeau d’Abel, il se reproduit et croît, comme Jacob secondant son oncle maternel Laban (Gn.30, 30) :

« .. Il servit chez son oncle encore sept autres années.»

Celui qui satisfait Dieu reçoit sa bénédiction avec ceux en sa compagnie, à l’exemple de Joseph chez Potiphar (Gn.39, 3-5) :

« Comme son maître voyait que Yahvé

L’assistait et faisait réussir entre ses mains

Tout ce qu’il entretenait,

Joseph trouva grâce à ses yeux ;

Il fut attaché au service du maitre,

Qui l’institua son majordome et

Lui confia tout ce qui lui appartenait.

Et à partir du moment où il l’eut préposé

À sa maison et à  ce qui lui appartenait,

Yahvé bénit la maison de l’Égyptien,

En considération de  Joseph :

La  bénédiction de Yahvé atteignit tout

Ce qu’il possédait à la maison et aux champs.»

Dieu soutient Joseph en captivité (Gn.29, 21) :

« Mais Yahvé assista Joseph,

Il étendit sur lui sa bonté et

Lui fit trouver grâce aux yeux du geôlier chef. »

La nouvelle se répand dans toute l’Égypte.

Il en est ainsi de la protection acquise par Abel. Envieux, Caïn lâche son témoignage  de foi et, révolté contre Dieu,  enfreint ses commandements.

En ce sens, Tarjoum relate le dialogue entre les deux frères, Caïn (Qayn, du verbe qanah ou acquérir) et  Abel – reporté aux origines de l’humanité, le récit de Caïn et d’Abel est de  portée générale : d’une part, Caïn est Abel représentent deux modes de vie, l’agriculteur sédentaire et le pasteur nomade ; d’autre part, les deux frères personnifient la lutte de l’homme contre l’homme. A côté de la révolte de l’homme contre Dieu, il y a aussi la violence du ‘frère’ contre ‘son ‘frère’. Le double commandement de l’amour (Mt.22, 4) montre les exigences fondamentales de la Volonté Divine :

« Caïn : je vois que le monde n’est pas créé par amour, ni conduit suivant le bien ; aussi le jugement dernier n’est pas équitable. Pourquoi ton offrande - et non la mienne- est-elle consentie par Dieu ?

Abel : Je ne partage pas tes dires ; le Dieu-Amour  a créé le monde et il l’apprécie et le mesure  parfaitement. Mes actions supérieures aux tiennes sont agréées par Yahvé.

Caïn : Il n’y ni jugement dernier, ni juge, ni monde autre ; nul ne récompense les gens de bien, nul ni châtie les méchants.

Abel : À la fin du monde, il y a un jugement, un être suprême qui, dans l’autre monde,  récompense les gens de bien et punit les gens qui font le mal. »

b)- Le démissionnaire.

Comment doit agir Caïn ? Satisfaire Yahvé par des offrandes traduisant ce qu’il a dans le cœur ? Toute conduite extérieure non accomplie par un sentiment intérieur est vaine. Et quel présent est-il offert par Caïn ?

Le prophète Malachie dit (Ml.1, 8) :

« Quand vous amenez des bêtes aveugles pour le sacrifice,

N’est-ce pas mal ?

Et quand vous en amenez des boiteuses ou des malades,

N’est-ce pas mal ?

Présente-les donc à ton gouverneur :

Sera-t-il content de toi ?

Te recevra-t-il bien ? dit Yahvé Sabaot. »

Caïn, offre-t-il le meilleur de ce qu’il possède, comme son frère Abel  (Gn.4, 4) :

« .. Et qu’Abel, de son côté,

Offrit des premiers-nés de son troupeau,…»

Abel présente un de ses agneaux, plutôt le premier-né, la tête de son troupeau (Ex.23, 19) :

« Tu apporteras à la maison de Yahvé

Ton Dieu le meilleur des prémices de ton terroir… »

L’offrande du meilleur de ses avoirs est l’aveu d’un Dieu, à Puissance infinie,  Maître de la terre et Source de fertilité et d’opulence ; quant à la graisse animale brûlée pour l’offrande, essentielle est-elle, s’élevant vers les hauteurs (Lv.1, 8-9) :

« Puis les fils d’Aaron, les prêtres, disposeront quartiers,

Tête et graisse au-dessus du bois

Placé sur le feu de l’autel.

…et le prêtre fera fumer le tout à l’autel.

Cet holocauste sera un mets consumé

En parfum d’apaisement pour Yahvé. »

Ce que fait Abel quand il présente à Yahvé une bête  de son troupeau (Ex.23, 16) :

« Tu observeras la fête de la Moisson,

Des prémices de tes travaux de semailles

Dans les champs,

Et la fête de la Récolte

En fin d’année,

Quand tu rentreras des champs,

Le fruit de tes travaux.»

Yahvé, peut-il répéter les propos dits  au peuple hébreu de retour d’exil ? (Ag.1, 4) :

« La reconstruction du Temple.

Est-ce donc pour vous le moment

De rester dans vos maisons lambrissées,

Quand cette maison-là est dévastée ? »

Quel présent Dieu accepte-t-il d’un homme au cœur noirci n’aimant ni son frère, ni autrui ? Le Sermon sur la Montagne éclaire bien cette image (Mt.5, 23-24) :

«Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel,

Si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi

Laisse là ton offrande devant l’autel,

Et va d’abord te réconcilier avec ton frère ;

Puis reviens et alors présente ton offrande,

Devant l’autel,

Et va d’abord te réconcilier avec ton frère ;

Puis reviens, et alors présente ton offrande. »

N’observant pas la Parole, Caïn déconsidère son frère pour lequel, malintentionné qu’il est, il éprouve des pensées haineuses et meurtrières. Combien l’on aurait voulu qu’il partage la joie de son frère, en plus d’une certaine modestie, pour estimer sa personne plus que  la sienne propre (Ph.2, 3-4) :

«Garder l’unité dans l’humilité.

… n’accordez rien à l’esprit de parti,

Rien à la vaine gloire,

Mais que chacun par l’humilité estime

Les autres supérieurs à soi ;

Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts,

Mais plutôt que chacun songe à ceux des autres.

Ayez entre vous les mêmes sentiments

Qui sont dans le Christ Jésus… »

Ah, s’il  sait écouter les pensées de l’apôtre (Rm.12, 10) :

« … que l’amour fraternel vous lie d’affection entre vous,

Chacun regardant les autres comme plus méritants,…»

L’on comprend la colère et le refus de Yahvé pour son offrande. Ressentant intérieurement le mécontentement de Dieu tel le Pharisien s’envisageant juste et pieux en effectuant de bonnes actions tout en regardant avec condescendance le Publicain priant  et se repentant à ses côtés (Lc.18, 13):

«Le publicain, se tenant à distance,

N’osait même pas lever les yeux au ciel,

Mais il se frappait la poitrine en disant :

‘Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis !’ »

Se croyant meilleur et supérieur à autrui, le Pharisien s’assure au fond de lui-même que Dieu le favorise comme  Caïn, le présomptueux (Lc.18, 11-12) :

« ‘Mon Dieu, je te rends grâces de ce que

Je ne suis pas comme

Le reste des hommes,

Qui sont rapaces, injustes, adultères,

Ou bien encore comme ce publicain :

Je jeûne deux fois la semaine,

Je donne la dîme de tout ce que j’acquiers.’ »

Caïn oublie que l’appel de Dieu suppose l’acquiescement et l’engagement du croyant ; démissionnaire de son rôle d’aîné, tel Ésaü, frère de Jacob qui vend sa position d’aîné pour quelque nourriture (Gn.25, 29-34) :

« Une fois, Jacob prépara un potage et

Ésaü revint de la campagne, épuisé.

Ésaü dit à Jacob :

‘Laisse-moi avaler ce roux-là ;

Je suis épuisé.’

C’est pourquoi on l’a appelé Édom.

Jacob dit :

‘Vends-moi d’abord ton droit d’aînesse.’

Ésaü répondit :

‘Voici que je vais mourir,

A quoi me servira le droit d’aînesse ?’

Jacob reprit :

‘Prête-moi d’abord serment’ ;

Il lui prêta serment et

Vendit son droit d’aînesse à Jacob.

Alors Jacob lui donna du pain et

Du potage de lentilles,

Il mangea et but,

Se leva et partit.

Ainsi Ésaü méprisa son droit d’aînesse.»

Durement inculpé, Caïn devient le prototype du pécheur dépréciant les grâces divines (He.11, 1-4) :

«Or la foi est la garantie des biens que l’on espère,

La preuve des réalités qu’on ne voit pas.

C’est elle qui a valu aux anciens un bon témoignage.

Par la foi, nous comprenons que les mondes

Ont été formés par une parole de Dieu,

De sorte que ce que l’on voit

Provient de ce qui n’est pas apparent.

Par la foi, Abel offrit à  Dieu un sacrifice

De plus grande valeur que celui de Caïn ;

Aussi fut-il proclamé juste,

Dieu ayant rendu témoignage à ses dons,

Et par elle aussi,

Bien que mort, il parle encore. »

Nous comprenons bien mieux les propos du prophète Malachie, repris plus tard par l’apôtre Paul s’adressant aux Romains (Ml.2, 1-2) :

«Et maintenant, à vous ce commandement,

Prêtres !

Si vous n’écoutez pas,

Si vous ne prenez pas à cœur de

Donner gloire à mon Nom,

Dit Yahvé Sabaot,

J’enverrai sur vous la malédiction et

Je maudirai votre bénédiction. »

Saint Paul précise que  notre obéissance au Plan divin  du Salut doit être absolue, comme l’illustre le récit abrahamique (Gn.21, 11-13) :

« … mais Dieu lui dit :

‘ Ne te chagrine pas à cause du petit et de ta servante,

Tout ce que Sara te demande,

Accorde-le,

Car c’est par Isaac

Qu’une descendance perpétuera ton nom,

Mais du fils de la servante

Je ferai une nation

Car il est de ta race.’»

Caïn abandonne son droit d’aînesse dans sa conduite quotidienne, en attendant que se décantent sa jalousie et sa haine criminelle. Il est écrit que Saül, le premier roi des tribus hébraïques, est choisi par le Seigneur, pour sa personnalité différente et spécifique (1S.10, 23-24) :

« On courut l’y prendre et

Il se présenta

Au milieu du peuple ;

De l’épaule et au-dessus,

Il dépassait tout le peuple.

Samuel dit à tout le peuple :

‘Avez-vous vu celui qu’a choisi Yahvé ?

Il n’a pas son pareil dans tout le peuple.’... »

Pourtant, le choix de Dieu « change »,  à cause de Saül, refusant de l’écouter et préférant la voix de l’armée et du peuple. Yahvé s’adresse à Samuel  en ces termes (1S.15, 10-11) :

« ‘Je me repens d’avoir fait de Saül un roi,

Car il s’est détourné de moi

Et n’a pas exécuté mes paroles.’

Samuel s’enflamma et cria

Vers Yahvé, pendant toute la nuit. »

Ainsi Saül se désengage, se prenant pour le maître  et le dirigeant, omettant l’obéissance divine, avant que Dieu ne le  « lâche ».

Similaire expérience pour Caïn, n’écoutant pas la voix de Yahvé dans les tréfonds de sa conscience. Miséricordieux, le voyant exacerbé, Dieu  essaie de le ramener à la raison, lui faisant comprendre comment se comporter. Mais Caïn refuse ; au lieu d’être heureux de rencontrer Dieu, d’en être illuminé quand  Il le regarde, il reste aigri, désabusé, préférant les ténèbres à la lumière,  capté par les forces du mal. Tel le père de l’Enfant Prodigue voyant son fils refuser de partager le festin, Saint Luc dit du fils aîné (Lc.15, 28-20) :

«Il se mit alors en colère,

Et il refusait d’entrer.

Son père sortit l’en prier. »

Hargneux, coléreux, aveuglé de cœur, le frère du fils prodigue et Caïn ne savent plus comment agir. Caïn considère Yahvé, son ennemi car prenant le parti de son frère, le lui préférant, lui, l’aîné ; et dit-il  à son père (Lc.15, 29) :

«Mais il répondit à son père ;

‘Voilà tant d’années que je te sers,

Sans avoir jamais transgressé

Un seul de tes ordres,

Et jamais tu ne m’as donné un chevreau,

A moi, pour festoyer avec mes amis ;…’ »

Ainsi le père devient endetté de son fils, la dérision d’un maître endetté pour son serviteur ! Insupportable situation : comment le père préfère-t-il le cadet à l’aîné, malgré l’inconduite du jeune frère reconnue par tous? La jalousie menant son jeu (Lc.15, 30) :

« … et puis ton fils que voici revient-il,

Apres avoir dévoré ton bien avec des prostituées,

Tu fais tuer pour lui le veau gras ! »

Et le Père de déclarer à son bien-aimé aîné, ainsi qu’à Caïn (Gn.4, 7) :

« Si tu es bien disposé,

Ne relèveras-tu pas la tête ?

Mais si tu n’es pas bien disposé,

Le péché n’est-il pas à ta porte,

Une bête tapie qui te convoite,

Pourras-tu la dominer ? »

Tel un lion prêt à l’attaque (1 P.5, 8-9) :

« Soyez sobres,

Veillez.

Votre partie adverse, le Diable,

Comme un lion rugissant, rôde,

Cherchant qui dévorer.

Résistez –lui, fermes dans la foi,

Sachant que c’est le même genre de

Souffrances que la communauté des frères,

Répandue dans le monde, supporte. »

Yahvé n’étant point écouté, Satan intervient et sollicite comme Ève écoutant le serpent et répondant à son invitation. Comme Caïn, le péché l’interpelant et y consentant : le péché le séduisant, la mort lui ressemblant pour enlever les vivants. Est-ce le « destin » de Caïn que de se plier à une situation inextricable ? Point. Car le Seigneur dit (Gn.4, 9-12) :

« Yahvé dit à Caïn :

‘Où est ton frère Abel ?’Il répondit :

‘Je ne sais pas.

Suis-je le gardien de mon frère ?’

Yahvé reprit : ‘Qu’as-tu fait !

Écoute le sang de ton frère crier

Vers moi du sol !

Maintenant, sois maudit et chassé du

Sol fertile, qui a ouvert la bouche

Pour recevoir de ta main

Le sang de ton frère.

Si tu cultives le sol,

Il ne te donnera plus son produit :

Tu seras un errant parcourant la terre.’ »

Certes que l’on peut  lutter et vaincre le Mal. Dommage que Caïn se soumet au Méchant qui vainc et malmène tout être humain entraîné par ses instincts et ses propres intérêts, car quiconque commet le mal, en devient l’esclave (Jn.8, 34) :

« Jésus leur répondit :

‘En vérité, en vérité, je vous le dis,

Quiconque commet le péché,

Est esclave.’»

c)- Il assassine son frère.

Épouser la jalousie mène au crime, ainsi le dit l’adage populaire : ‘ Le jaloux ne peut vivre et mourir qu’accablé… ‘. Quiconque se chagrine, ‘ se défigure ‘ de tristesse et d’affliction, son cœur métamorphosé, sa direction de vie s’en ressent.

Job en parle (Jb.5, 2) :

«En vérité, le dépit fait mourir l’insensé

Et la jalousie fait périr le sot. »

Les Proverbes, de même (Pr.14, 30 ; 27,4)

«Vie du corps : un cœur paisible ;

Mais la jalousie est carie des os. »

« Cruelle est la fureur, impétueuse la colère,

Mais encore la jalousie, qui tiendra ?»

N’est-ce le sentiment de Caïn vis-à-vis de son frère, quand Yahvé prouve son contentement. Fort probable que son père et ses amis l’aient conseillé et il est certain que le Seigneur ait agi en son cœur. Mais l’envie tourmente et ébranle violemment et sans arrêt l’être humain, comme vague houleuse.

Les livres de la Sagesse recommandent et avertissent (Si.30, 24-25) :

«Passion et colère abrègent les jours,

Les soucis font vieillir avant l’heure.

A cœur généreux, bon appétit :

Il se soucie de ce qu’il mange. »

L’Ecclésiaste nous peint l’homme  ‘caïnique ‘, toujours agressif, à l’esprit troublé et jamais en paix avec lui-même (Si.40, 5-6) :

«Et à l’heure où, couché, l’on repose,

Le sommeil de la nuit

Ne fait que varier les soucis :

A peine a-t-on trouvé le repos

Qu’aussitôt dormant, comme en plein jour,

On est agité de cauchemars,

Comme un fuyard échappé du combat. »

La Biblia relate la jalousie de Rachel la stérile, à l’égard de sa sœur Léa qui enfante Ruben, Siméon, Lévi puis Juda (Gn.29, 31) :

« Yahvé vit que Léa n’était pas aimée

Et il la rendit féconde,

Tandis que Rachel demeurait stérile. »

La bien-aimée de Jacob, pourquoi n’obtient-elle pas satisfaction aux yeux de Yahvé et procréer (Gn.30, 1-2) :

«Rachel, voyant qu’elle-même

Ne donnait pas d’enfants à Jacob,

Devint jalouse de sa sœur et

Elle dit à Jacob :

‘Fais-moi avoir aussi des enfants,

Ou je meurs !’

Jacob s’emporta contre Rachel et dit :

‘Est-ce que je tiens la place de Dieu,

Qui t’a refusé la maternité ?’ »

Éventuellement submergée par son tourment, pense-t-elle au suicide ou à l’assassinat de sa sœur comme Caïn traditionnellement désigné ‘ le meurtrier’.

Saint Jean écrit dans sa première Épître (1 Jn.3, 11-12) :

« Car tel est le message

Que vous avez entendu dès le début :

Nous devons nous aimer les uns les autres.

Loin d’imiter Caïn, qui, étant du Mauvais,

Égorgea son frère.

Et pourquoi l’égorgea-t-il ?

Parce que ses œuvres étaient mauvaises,

Tandis que celles de son frère étaient justes. »

La réplique de Jacob voudrait éloigner Rachel de l’envie qui répand rivalité et malveillance, alors qu’il faut se fier à la volonté de Yahvé.

Ainsi que la jalousie d’Haroun et de sœur Marie envers Moïse, comme celle des frères de Joseph    (Gn.37, 20) :

« Maintenant, venez,

Tuons-le et jetons-le

Dans n’importe quelle citerne ;

Nous dirons qu’une bête féroce

L’a dévoré.

Nous allons voir ce

Qu’il adviendra de ses songes. »

Démoniaque jalousie de Caïn qui  dit à son frère Abel (Gn.4, 8) :

« … ‘Allons dehors’,

Et, comme ils étaient en pleine campagne,

Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. »

Le péché  dominant, la jalousie en paie le salaire. Saint Paul dit à ce sujet (2 Co. 12,20) :

« Je crains, en effet,

Qu’à mon arrivée

Je ne vous trouve pas tels que je voudrais,

Et que vous me trouviez tel

Que vous ne voudriez pas ;

Qu’il n’y ait discorde, jalousie,

Animosité, disputes,

Calomnies, commérages,

Insolences, désordres. »

N’est-ce la logique humaine, celle de la chair et du sang, celle de la faiblesse et de la prédisposition au péché, qui conduit au manque d’amour et éloigne du Royaume Céleste (Ga.5, 16-21) ?

« Or je dis :

Laissez-vous mener par l’Esprit et

Vous ne risquerez pas de

Satisfaire la convoitise charnelle.

Car la chair convoite contre l’esprit et

L’esprit contre la chair ;

Il y a entre eux antagonisme,

Si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez.

Mais si l’Esprit vous anime,

Vous n’êtes pas sous la Loi.

Or on sait bien tout ce que produit la chair :

Fortification, impureté, débauche,

Idolâtrie, magie, haines,

Discorde, jalousie, emportements,

Disputes, dissensions, scissions,

Sentiments d’envie, orgies, ripailles

Et choses semblables –

Et je vous préviens comme je l’ai déjà fait,

Que ceux qui commettent ces fautes-là,

N’hériteront pas du Royaume de Dieu. »

La jalousie et le courroux mènent à la tuerie. Jacob s’adresse ainsi à ses deux enfants (Gn.49, 6-7) :

« Que mon âme n’entre pas en leur conseil,

Que mon cœur ne s’unisse pas à leur groupe,

Car dans leur colère ils ont tué des hommes,

Dans leur dérèglement, mutilé des taureaux.

Maudite leur colère pour sa rigueur,

Maudite leur fureur pour sa dureté.

Je les diviserai dans Jacob,

Je les disperserai dans Israël.»

La colère menace Jacob de  la rancœur de son frère Ésaü (Gn.27, 41-45) :

«Ésaü prit Jacob en haine à cause

De la bénédiction que son père

Avait donné à celui-ci et

Il se dit en lui-même :

‘Proche est le temps où l‘on fera le deuil de mon père.

Alors je tuerai mon frère Jacob.’

Lorsqu’on rapporta à Rébecca les paroles d’Ésaü,

Son fils aîné, elle fit appeler Jacob,

Son fils cadet, et lui dit :

‘Ton frère Ésaü veut se venger de toi

En te tuant.

Maintenant mon fils, écoute-moi :

Pars, enfuis-toi chez mon frère Laban à Harân.

Tu habiteras avec lui quelque temps

Jusqu'à ce que se détourne la fureur de ton frère,

Jusqu'à ce que la colère de ton frère

Se détourne de toi et

Qu’il oublie ce que tu lui as fait ;

Alors je t’enverrai chercher là-bas.

Pourquoi vous perdrais-je tous les deux

En un seul jour ?’»

Grâce à Dieu, la colère d’Ésaü s’apaise  après de longues années,  suite à des prières et des offrandes (Gn.33, 4) :

« … Ésaü courant a sa rencontre,

Le prit dans ses bras,

Se jeta à son cou et

L’embrassa en pleurant. »

Ce qui ne se passe pas entre Caïn et Abel, toute colère devant s’étioler avant le coucher du soleil (Ep.4, 26-27) :

«Emportez-vous, mais ne commettez pas le péché :

Que le soleil ne se couche pas sur votre colère ;

Il ne faut pas donner prise au diable. »

Bien au contraire, l’exacerbation s’accroît, attaquant d’abord  la Suprême Puissance, considérant Dieu injuste, favorisant l’un contre l’autre, ensuite injuriant son frère ; car quiconque s’énerve vivement par défaut d’impatience se comporte de façon insensée (Pr.14, 17 ; 15,1):

«L’homme prompt à la colère

Fait des sottises,

L’homme malintentionné est odieux. »

«Une aimable réponse apaise la fureur,

Une parole blessante fait monter la colère. »

De même pour le don (Pr.21, 14) :

«Un don secret apaise la colère,

Un présent sous le manteau,

La fureur violente. »

Delà à exprimer une panoplie de conseils (Pr.16, 32 ; 19,11-12) :

Bien «Mieux vaut un homme lent

À la colère d’un héros,

Un homme maître de soi

Qu’un preneur de villes.»

«Le bon sens rend l’homme

Lent à la colère,

Sa fierté, c’est de

Passer sur une offense.

Comme le rugissement du lion,

La fureur du roi,

Mais comme la rosée sur

L’herbe, sa faveur. »

Malheur à celui qui tombe sous l’impulsion d’un colérique, d’un Caïn jaloux, rancunier et envieux, car tout mal sans repentance est une arrogance insolente envers Dieu (Gn.4, 9-10) :

«Yahvé dit à Caïn :

‘Où est ton frère Abel ?’

Il répondit :

‘Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ?’

Yahvé reprit ;

‘Qu’as-tu fait !

Ecoute le sang de ton frère crier vers moi... ! »

Responsable de son frère cadet, Caïn en devient l’assassin au lieu d’en être le défenseur.  Dieu-Amour déconseille toute inimitié et représailles entre assemblées rivales. Malgré le mal commis par Caïn, Yahvé  lui conserve la vie par le repentir : combien miséricordieux est Yahvé et à ses yeux, un millénaire  est comparable à l’itinéraire d’un jour.

Conclusion

Nous inspirant des Cantiques de Jacques de Sarouj, nous pensons que, face à la justice, le meurtrier devient fourbe et mensonger : mon frère ? -je ne sais. Et d’ajouter, impertinemment grossier : Suis-je le gardien de mon frère ?

Simulant la vérité, Caïn cache son forfait, refusant le regret de son crime infâme auprès de Yahvé ; pas de remords, aucune tentative de pénitence ! Pire, il maquille son assassinat, insensible et indifférent à la Tendresse majestueuse  et illimitée de la Souffrance divine- une infinie Miséricorde  dépassant toute justice humaine.

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