ÉSAÜ ET JACOB, DEUX FRÈRES SE SÉPARANT ET SE RÉCONCILIANT.
Mystérieuse Bonne Nouvelle, autant impénétrable Parole Divine. Toute lecture biblique paraît baptismale ; Maintes relectures nous font entrevoir des significations ignorées jusque là, tel un chef d’œuvre supérieur à toute aptitude terrestre.
Fontaine inépuisable, La Bible présente un rejaillissement renouvelé ressourçant des milliers d’hommes, à condition de requérir l’eau vive, comme le dit le Prophète Jérémie, le peuple abandonnant la source d’eau vive pour se creuser des citernes lézardées qui n’emmagasinent pas l’eau. Alors qu’il faut s’attacher à l’Eau de la Vie comme la Samaritaine venant remplir sa jarre du réservoir près du puits de Jacob, comprenant qu’elle doit s’en détacher, ne plus arriver chaque jour à la mi-journée, y renoncer pour gagner l’abondante eau intarissable (Jn.4, 13-15) :
« … Seigneur, donne-moi cette eau,
Afin que je n’aie plus soif et
Ne vienne plus ici pour puiser.
… Quiconque boit de cette eau
Aura soif à nouveau ;
Mais qui boira de l’eau que je lui donnerai
N’aura plus jamais soif ;
L’eau que je lui donnerai
Deviendra en lui source
D’eau jaillissant en vie éternelle.»
Sans nul doute, la Perfection s’exprime dans les Évangiles et les Livres bibliques : Dieu est, le Verbe fait chair, venant jusqu'à nous et nous révélant toute vérité. Néanmoins, la Torah, les Prophètes, les Psaumes sont tels des murmures nous conduisant vers Lui.
Bienheureux sommes - nous si nous discernons la Voix divine des diverses sonorités nous atteignant, voire si nous découvrons notre existence à travers nos lectures et nos expériences. Ce que nous effectuons quand nous pensons à la personnalité d’Ésaü et de Jacob : deux frères habituellement considérés dans la littérature antique et celle contemporaine, comme deux adversaires, comme Caïn et Abel en Orient, comme Rémus et Romulus à Rome, comme Étéocle et Polynice, fils d’Oedipe en Grèce, ainsi que d’autres personnages en d’autres cultures.
Toutefois, le Texte nous fait comprendre qu’ils se sont réconciliés à travers deux peuplades, celles d’Édom et de Juda .Voisins ici-bas, ils meurent côte à côte, à la suite de maintes invasions.
Ésaü et Jacob, soit deux peuples que sépare la Mer Morte : concurrence et rivalité depuis l’enfance. Enfin, condescendance, bienveillance, modestie et partage de biens et de terrains.
Ésaü s’en va vers Séïr, Jacob vers Sukkot, l’un vers le sud, pour le forage du sol, l’autre en Orient, vers le Nord d’Amman, capitale de l’actuel Royaume hachémite.
A-Concurrence et adversité au cours de l’enfance.
La Sainte Bible est un livre de méditation avant d’être œuvre historique nous renseignant sur des événements discontinus. L’écrivain retourne vers le passé pour découvrir l’œuvre de Dieu, Maître de l’Histoire. A nous de déchiffrer les faits sans les superficialiser et d’en apprécier le sens profond .
Ésaü et Jacob, deux fœtus dans le sein de Rébecca, femme d’Isaac (Gn.25, 22-23) :
« Or les enfants se heurtaient en elle et elle dit :
‘S’il en est ainsi, à quoi bon ?’
Elle alla donc consulter Yahvé,
Et Yahvé lui dit :
‘Il y a deux nations en ton sein,
Deux peuples, issus de toi
Se sépareront,
Un peuple dominera un peuple,
L’aîné servira le cadet.’ »
La femme représente le peuple, enfantant garçons et filles. Comme si, à l’origine, l’Écriture précise qu’il y a Ésaü et Jacob, Édom et Juda en un seul sein. Pourquoi donc deux frères s’affrontent-ils ? Ne peuvent-ils pas vivre ensemble en paix, sans que l’un essaie de se débarrasser de l’autre ? Ce que Caïn fait de son frère Abel, tandis qu’Abraham agit différemment de la conduite commune (Gn.13, 7-9) :
«Il y eut une dispute entre les pâtres
Des troupeaux d’Abram et
Ceux des troupeaux de Lot
(Les Cananéens et les Perrizites habitaient alors le pays).
Aussi Abram dit-il à Lot :
‘Qu’il n’y ait pas discorde entre moi et toi,
Entre mes pâtres et les tiens,
Car nous sommes des frères !
Tout le pays n’est-il pas devant toi ?
Sépare-toi de moi.
Si tu prends la gauche, j’irai à droite,
Si tu prends la droite,
J’irai à gauche.’ »
Pourquoi un peuple domine-t-il l’autre, un frère, le sien, une sœur, la sienne?
Deux frères de caractère dissemblable, n’est-ce une grâce divine, quand la dissimilitude est richesse, non une potentialité d’adversité. Décidons de vivre en fonction de nos conceptions et nos différences.
Ésaü, dont le nom se rattache au proverbe oriental, (‘falsifie et couvre ‘) est d’un teint basané, un corps couvert de poils comme une fourrure. Quant à Jacob, on n’en dit rien, un teint blanc et un corps lisse. Depuis le début, Ésaü refuse le droit d’aînesse à son frère, d’où l’explicitation biblique : Jacob, lié a Dieu, Jacob - El ou Dieu solidaire et collaborateur.Ainsi en est-il de la civilisation amorrite autour de la ville de Mari sur l’Euphrate, mais le Livre modifie le sens, du fait du changement de sa fonction. Le nom se lie au verbe ‘filer’, ou aller derrière, suivre quelqu’un pour le faire trébucher ou pour qu’il s’arrête afin de le devancer. Et le verbe prend le sens de ‘tromper’ ,‘duper’ (Gn.27, 34-36) :
« Lorsque Ésaü entendit les paroles de son père,
Il cria avec beaucoup de force et
D’amertume et dit à son père :
‘Bénissez moi aussi, mon père !’
Mais celui-ci répondit :
‘Ton frère est venu par ruse et
A pris ta bénédiction.’
Ésaü reprit :
‘Est-ce parce qu’il s’appelle Jacob
Qu’il m’a supplanté ces deux fois ?
Il avait pris mon droit d’aînesse et
Voila maintenant qu’il a pris ma bénédiction !... »
Les deux frères, de même, distincts dans leur train de vie, Ésaü étant un ‘habile chasseur’, aimant les bois, ressemblant fort à Ismaël dans sa conduite envers ses frères (Gn.25, 27 ; 16,12) :
«Les garçons grandirent :
Ésaü devint un habile chasseur,
Courant la steppe,
Jacob était un homme tranquille,
Demeurant sous les tentes. »
« Celui-là(Ismaël) sera un onagre d’homme,
Sa main contre tous,
La main de tous contre lui,
Il s’établira à la face de
Tous ses frères. »
Ésaü ne connaît ni la ruse, ni les manigances de la supercherie, se laissant facilement abusé. Quant à Jacob, fils éduqué, ‘homme entier, habitant les tentes et au prénom incarnant la perfection’, comme Job (Jb.1, 1) :
« Il y avait jadis,
Au pays de Uç, un homme appelé Job :
Un homme intègre et droit
Qui craignait Dieu et
Se détournait du mal... »
En réalité, Jacob n’est point loyal, ni avec son frère, ni avec son oncle maternel, mais il comprend plus tard que les chemins des hommes se particularisent des voies divines. De passé trompeur et hypocrite, au dire de son frère qui avoue l’avoir leurré à deux reprises, et aux yeux de son oncle pour s’être précipitamment enrichi (Gn.31, 1) :
« Jacob apprit que les fils de Laban disaient :
‘Jacob a pris tout ce qui était
À notre père et
C’est aux dépens de notre père
Qu’il a constitué toute cette richesse.’ »
En contrepartie, Dieu le choisit : Yahvé l’aime, l’accompagnant dans ses aller-retours à Harân et vers l’Egypte (Gn.46, 3) ;
«Dieu reprit :
‘Je suis El, le Dieu de ton père.
N’aie pas peur de descendre en Égypte,
Car là-bas, je ferai de toi une grande nation.’ »
Fort distincte des expériences humaines, l’Épreuve divine nous entraîne à la question suivante : Comment le Seigneur choisit-il Simon-Pierre qui le trahit ? Et comment élit-il Saül, persécuteur de son Église, autant le bourreau du Christ ? Il est bien vrai que les voies de Dieu sont impénétrables.
Ésaü et Jacob se partagent l’affection familiale, le premier aimé de son père, pour ses occupations de chasseur, le second préféré par sa mère, probablement le cadet- ce qui motive sa réussite, bien que les instructions maternelles ne sont pas toujours tolérables (Lv.19, 14) :
«Tu ne maudiras pas un muet et
Tu ne mettras pas d’obstacle
Devant un aveugle,
Mais tu craindras ton Dieu.
Je suis Yahvé. »
Paniqué du châtiment, Jacob s’apaise en écoutant les paroles de son père (Gn.27, 13 et 29-33) :
«Mais sa mère lui répondit :
‘Je prends sur moi ta malédiction, mon fils !
Ecoute-moi seulement et
Va chercher les chevreaux.
…que les peuples te servent,
Que des nations se prosternent devant toi !
Sois un maître pour tes frères,
Que se prosternent devant toi les fils de ta mère !
Maudit soit qui te maudira,
Béni soit qui te bénira !’
Isaac avait achevé de bénir Jacob et
Jacob sortait tout juste de chez son père Isaac
Lorsque son frère Ésaü rentra de la chasse.
Lui aussi apprêta un régal et
L’apporta à son père.
Il lui dit :
‘Que mon père se lève et
Mange de la chasse de son fils,
Afin que ton âme me bénisse !’
Son père Isaac lui demanda :
‘Qui es-tu ?’
-‘Je suis, répondit-il,
Ton fils premier-né, Ésaü.’
Alors Isaac fut secoué d’un très grand frisson et dit :
‘Qui donc est le chasseur qui a chassé
Du gibier et me l’a apporté ?
J’ai mangé de tout avant
Que tu ne viennes et je l’ai béni,
Et il restera béni !’»
B-Concurrence et rivalité.
La discorde commence, Jacob pensant au droit d’aînesse, et Ésaü vivant le présent, en arriviste et souhaitant manger instantanément, dirigé par le dieu de l’avidité, le ventre (Gn.25, 29-30) :
« Une fois, Jacob prépara un potage et
Ésaü revint de la campagne, épuisé.
Ésaü dit à Jacob :
‘Laisse-moi avaler ce roux- là ;
Je suis épuisé.’
-C’est pourquoi on t’a appelé Édom. »
L’étymologie populaire signifie Ésaü (le roux, ‘admôni’) et aussi Édom, parce qu’il mange un plat de couleur rousse, ’adom’, nouveau jeu de mots. Jacob, (‘Ya’aqob’) ainsi appelé parce qu’il tient le talon, (‘aqeb’ et Os). Édom est une contrée dans la partie sud de l’actuelle Jordanie. Au IVème siècle, ‘Abdi Haba’, le roi de Jérusalem parle de la terre de Séïr dans une lettre adressée au roi Aménophis IV, où se trouve des puits de cuivre, près du sud de l’Hébron.
Édom signifie ‘le rouge’, le sol constitué de sable rouge sur le versant oriental, d’où un assortiment entre la géographie et la connotation du nom d’Ésaü, qui voit la nourriture réclamée par son frère de couleur rouge. Cet aliment devient ‘le plat de lentilles’ reconnu des habitants de la montagne forestière infertile de Séïr et devenue lieu de prédilection pour la chasse. Par manque de gibier, les habitants s’adonnent au vol et au pillage. Voilà la situation d’Ésaü au retour de Jacob de Harân (Gn.32, 7) :
« Les messagers revinrent auprès
De Jacob en disant :
‘Nous sommes allés vers ton frère Ésaü.
Lui-même vient à ta rencontre et
Il a quatre cents hommes avec lui.’ »
Angoissé, Jacob met le troupeau à la disposition de son frère pour la sauvegarde de sa vie et celle des siens, les tribus d’Ésaü ressemblant à celles de son frère. Jacob, ayant douze enfants au nombre des mois de l’année, chacun d’eux, servant l’autel une fois les douze mois. La Bible signale la postérité d’Ésaü en Séïr (Gn.36, 9-14) :
« Voici la descendance d’Ésaü,
Père d’Édom, dans la montagne de Séïr.
Voici les noms des fils d’Ésaü :
Éliphaz, le fils d’Ada, femme d’Ésaü, et
Réuel, le fils de Basmat, femme d’Ésaü.
Les fils d’Éliphaz furent :
Temân, Omar, Çepho, Gatam, Qenaz.
Éliphaz, fils d’Ésaü, eut pour concubine Timna et
Elle lui enfanta Amaleq.
Tels sont les fils d’Ada, la femme d’Ésaü.
Voici les fils de Réuel :
Nahat, Zérah, Shamma, Mizza.
Tels furent les fils de Basmat, la femme d’Ésaü.
Voici les fils d’Oholibama, fille d’ana,
Fils de Çibéôn, la femme d’Ésaü :
Elle lui enfanta Yéush, Yalam et Qorah. »
Concorde et mésentente existent entre les tribus d’Ésaü et de Jacob, l’altercation ayant débuté avec les grands-parents.
Étant l’aîné et méprisant son droit d’aînesse vendu pour un ‘potage de lentilles’, Ésaü ignore le sens de ses faits (combien grave est son forfait) prêtant serment devant Yahvé. Jacob béni, Ésaü quémande aussi la bénédiction, quand son père lui dit (Gn.27, 35) :
« .. Ton frère est venu par ruse et
A pris ta bénédiction».
Alors, il se lamente (Gn.27, 38) :
« .. Et Ésaü se mit à pleurer.»
Désormais, inutiles sont les larmes. À quoi bon regretter, quand la grâce reçue est mésestimée et dévalorisée ? Tout comme Judas l’Iscariote qui, recevant la capacité du discernement avec les douze apôtres appelés, vend son Maître en complotant avec Satan (Lc.22, 3) :
« Or Satan entra dans Judas,
Appelé Iscariote, qui était du nombre des douze. »
Pris de remords pour avoir trahi la confiance du Christ, Judas remet le salaire de sa trahison, soit trente pièces d’argent, aux prêtres qui se désistent de son crime (Mt.26, 4) :
« .. . Et se concertèrent en vue d’arrêter
Jésus par ruse et de le tuer.»
Ce qui est dit d’Ésaü se dit d’Israël, comme au dire du prophète Malachie et de Saint Paul (Ml.1, 2-3) et (Rm.9, 12-13):
«Je vous ai aimés !dit Yahvé.
Cependant vous dites :
En quoi nous as-tu aimés ?
Ésaü n’était-il pas le frère de Jacob ?
Oracle de Yahvé : Or, j’ai aimé Jacob ... »
«… qui dépend de celui qui appelle et
Non des œuvres, il lui fut dit :
L’aîné servira le cadet,
Selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob
Et J’ai haï Ésaü.»
Jacob recueille la grâce et s’y engage alors qu’Ésaü s’en défait. Rappelons la Lettre aux Hébreux (He.12, 14-17) :
« Recherchez la paix avec tous,
Et la sanctification sans laquelle
Personne ne verra le Seigneur ;
Veillant à ce que personne
Ne soit privé de la grâce de Dieu,
A ce qu’aucune racine amère
Ne pousse des rejetons et
Ne cause du trouble,
Ce qui contaminerait toute la masse,
A ce qu’enfin
Il n’y ait aucun impudique ni profanateur,
Comme Ésaü qui, pour un seul mets,
Livra son droit d’aînesse.
Vous savez bien que, par la suite, quand il voulut
Obtenir la bénédiction, il fut rejeté ;
Car il n’a pu obtenir un changement de sentiment,
Bien qu’il l’eût recherché avec larmes. »
Infidèle, trahissant le pacte d’Alliance et les offrandes divines, il fait preuve de parjure quand il épouse une femme aux mœurs légères rasant les temples. Et que dit Rébecca en s’adressant à Isaac ? (Gn.27, 46) :
« …Je suis dégoutée de la vie
A cause des filles de Het.
Si Jacob épouse une des filles de Het,
Comme celles-là, une des filles du pays,
Que m’importe la vie ?’ »
À la grande souffrance d’Isaac, Ésaü épouse deux femmes à la fois (Gn.26, 34-35) :
«Quand Ésaü eut quarante ans,
Il prit pour femmes Yehudit,
Fille de Bééri le hittite,
Et Basmat, fille d’Élôn, le hittite.
Elles furent un sujet d’amertume pour Isaac et pour Rébecca. »
En seconde noce, (Gn.28, 6-9) il épouse Mahalât, fille d’Ismaël, contrecarrant encore une fois les conseils paternels. Est-ce ainsi qu’agissent les enfants vis-à-vis des avertissements de leurs pères ?
Mais grâce à Dieu qu’Ésaü côtoie Jacob lors des funérailles de leur père Isaac (Gn.35, 29) :
« .. Et Isaac expira.
Il mourut et il fut réuni à sa parenté,
Âgé et rassasié de jours ;
Ses fils Ésaü et Jacob l’ensevelirent. »
Adultère autant que blasphémateur, Ésaü profane son droit d’aînesse, grâce divine qui advient une seule fois. Le ‘Cantique des Cantiques’ chante : le bien-aimé visite sa bien-aimée, si elle ne le reçoit pas, il s’en va. Que gagne- t-elle à présenter de vaines excuses ?
Ce que fait Ésaü, quand, perdant la Baraka paternelle, il s’en prend en animosité contre son frère (Gn.27, 41) :
« Ésaü prit Jacob en haine à cause de
La bénédiction que son père avait donnée à celui-ci et
Il se dit en lui-même :‘Proche est le temps où
L’on fera le deuil de mon père.
Alors je tuerai mon frère Jacob’. »
Informée du projet macabre d’Ésaü, Rébecca dit à Jacob (Gn.27, 45) :
« Maintenant, mon fils, écoute-moi :
‘Pars, enfuis-toi chez mon frère Laban à Harân’. »
Et les jours passent interminablement avant la réconciliation des deux frères.
C-Les frères se réconcilient.
Présentant Jacob comme un homme ‘droit et ‘parfait’, surtout en fin d’existence, la Bible en parle : un long cheminement effectué avec Yahvé, d’un trajet à l’autre : de la Palestine vers l’Irak, vers Harân, subissant maints dangers. Et Yahvé, toujours présent à ses côtés, ne l’abandonnant jamais (Ps.27, 1) :
« Près de Dieu, point de crainte.
Yahvé est ma lumière et mon salut,
De qui aurais-je crainte ?
Yahvé est le rempart de ma vie,
Devant qui tremblerais-je ?
Dès le début, Isaac le bénit et lui fait comprendre sa volonté de ne pas ressembler à son frère Ésaü (Gn.28, 1):
« .. ‘Ne prends pas une femme
Parmi les filles de Canaan.’»
Il respecte les dires de son père, comme auparavant ceux de sa mère (Si.3, 1-5) :
« Enfants, écoutez-moi,
Je suis votre père,
Faites ce que je vous dis,
Afin d’être sauvés.
Car le Seigneur glorifie le père de ses enfants,
Il fortifie le droit de la mère sur ses fils.
Celui qui honore son père
Expie ses fautes,
Celui qui glorifie sa mère est
Comme quelqu’un qui amasse un trésor.
Celui qui honore son père
Trouvera de la joie dans ses enfants,
Au jour de sa prière,
Il sera exaucé. »
Isaac dit à Jacob (Gn.28, 2-3) :
«Lève-toi !
Va en Paddân-Aram chez Bétuel,
Le père de ta mère, et choisis-toi
Une femme de là-bas,
Parmi les filles de Laban,
Le frère de ta mère.
Qu’El Shaddaï te bénisse,
Qu’il te fasse fructifier et
Multiplier pour que tu possèdes le pays
Dans lequel tu séjournes et que
Dieu a donné à Abraham. »
Jacob quitte Bersabée et part vers le sud, pour Harân, en compagnie de Dieu (Gn. 28, 12-15) : En route,
« Il eut un songe :
Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et
Que son sommet atteignait le ciel,
Et des anges de Dieu
Y montaient et descendaient !
Voilà que Yahvé se tenait
Devant lui et dit :
‘Je suis Yahvé, le Dieu d’Abraham
Ton ancêtre et le Dieu d’Isaac.
La terre sur laquelle tu es couché,
Je la donne à toi et à ta descendance.
Ta descendance deviendra nombreuse
Comme la poussière du sol,
Tu déborderas à l’occident et à l’orient,
Au septentrion et au midi,
Et tous les clans de la terre se béniront
Par toi et par ta descendance.
Je suis avec toi,
Je te garderai
Partout où tu iras et
Te ramènerai en ce pays,
Car je ne t’abandonnerai pas,
Que je n’aie accompli ce que
Je t’ai promis. »
Jacob comprend que Yahvé ne le laisse plus, tel la mère ou le père tenant leur enfant dans les bras. A la fin de son séjour à Harân, il discerne la Puissance divine et rencontre celle qui devient plus tard sa femme (Gn.29, 10) :
« Dès que Jacob eut vu Rachel,
La fille de son oncle Laban,
Et le troupeau de son oncle Laban,
Il s’approcha, roula la pierre de
Sur la bouche du puits et
Abreuva le bétail... »
A son retour de Harân, Jacob rencontre Dieu pour la seconde fois. Il n’est pas le puissant qui écrase son frère, lui arrachant le droit d’aînesse et la bénédiction paternelle, ainsi qu’il vainc son oncle Laban et rentre chez lui avec un grand cheptel, accompagné de sa nombreuse famille ? Serait-il plus fort que son Dieu ? La Bible présente symboliquement son combat avec Yahvé (Gn.32, 25-32) :
« Et Jacob resta seul.
Et quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore.
Voyant qu’il ne le maîtrisait pas,
Il le frappa à l’emboîture de la hanche,
Et la hanche de Jacob se démit
Pendant qu’il luttait avec lui.
Il dit :
‘Lâche-moi, car l’aurore est levée’
Mais Jacob répondit :
‘Je ne te lâcherai pas,
Que tu ne m’aies béni.’
Il lui demanda :
‘Quel est ton nom ?’
-‘Jacob’, répondit-il.
Il reprit :
‘On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël,
Car tu as été fort contre Dieu et
Contre les hommes et
Tu l’as emporté.’
Jacob fit cette demande :
‘Révèle-moi ton nom, je te prie’,
Mais il répondit :
‘Et pourquoi me demandes-tu mon nom ?’
Et, là même, il le bénit.
Jacob donna à cet endroit le nom de
Penuel,’car, dit-il,
J’ai vu Dieu face à face et
J’ai eu la vie sauve’.
Au lever du soleil,
Il avait passé Penuel et
Il boitait de la hanche. »
Qu’en est-il de la virilité de Jacob ? Sa vigueur s’amoindrit.
A partir de cette expérience, la vie de Jacob se transforme : il ne suit plus sa volonté propre (Gn.31, 4-16) :
« Jacob fit appeler Rachel et Léa
Aux champs où étaient ses troupeaux,
Et il leur dit :
‘Je vois à la mine de votre père
Qu’il n’est plus à mon égard comme auparavant,
Mais le Dieu de mon père a été avec moi.
Vous savez vous-mêmes que
J’ai servi votre père de toutes mes forces…
Dieu ne lui a pas permis de me faire du tort
…l’Ange de Dieu me dit en songe :
Jacob, lève les yeux et vois…
Maintenant, sors de ce pays et
Retourne dans ta patrie.’
…Fais donc maintenant
Tout ce que Dieu t’a dit. »
Une discorde naît, hélas, entre Jacob et son oncle ; ils signent un traité délimitant le terrain de chacun d’eux. Jacob demande à ses frères de ramasser des pierres pour en faire un monceau qui soit repère entre lui et Laban. Laban le nomme Yegar Sahadûta et Jacob, Galeéd, tous deux respectés en leur terre, personnalité et langue.
La même relation existe entre Ésaü et Jacob, lors de leur rencontre après vingt ans de séparation, l’un venant du sud de la Palestine, l’autre, du nord de l’Irak.
Quel est le motif de mésentente entre les deux frères ? l’Ecclésiastique dit (Si.10, 6-7 ; 12-13) :
« Ne garde pas rancune au prochain,
Quels que soient ses torts,
Et ne réagis jamais par
Des actes d’arrogance.
L’orgueil déplaît à Dieu
Comme a l’homme,
Et tous deux regardent l’injustice
Comme une faute. »
« Le principe de l’orgueil humain,
C’est d’abandonner le Seigneur
Et de tenir son cœur éloigné du Créateur.
Car le principe de l’orgueil c’est le péché,
Celui qui s’y adonne répand l’abomination. »
Jacob devient méprisable, quand victorieux une première fois en achetant le droit d’aînesse d’Ésaü pour un plat de lentilles, et la seconde fois en le devançant à la bénédiction paternelle.
La Genèse précise : un peuple domine un autre et Juda domine Édom, l’aîné mis au service du cadet (Gn.25, 23) :
« Il y a deux nations…
Deux peuples…
Se sépareront. »
Au cours de sa bénédiction paternelle, Jacob entend (Gn. 27,29) :
«Que les peuples te servent,
Que des nations se prosternent devant toi !
Sois un maitre pour tes frères,
Que se prosternent devant toi les fils de ta mère !
Maudit soit qui te maudira,
Béni soit qui te bénira ! »
Plein d’arrogance, Jacob semble avouer :’je suis là, qui ose me défier’ ?
Comprenons ce que l’orgueil, l’hypocrisie et le dédain font de Jacob ? Forcé de s’exiler loin de sa mère, car, à son retour, décédée, il doit vivre humblement, condescendre à l’égard de son frère, suivant les dires du sage (Si.3,17-18) :
«Mon fils, conduis tes affaires
Avec douceur,
Et tu seras plus aimé
Qu’un homme munificent.
Plus tu es grand,
Plus il faut t’abaisser
Pour trouver grâce devant le Seigneur. »
Jacob s’humilie devant Dieu qui le rehausse (Jc.4, 10) :
« Humiliez-vous devant le Seigneur
Et il vous élèvera. »
Et l’apôtre Paul de conseiller de rester unis dans l’humilité (Ph.2, 3- 4) :
«…n’accordez rien à l’esprit de parti,
Rien à la vaine gloire,
Mais que chacun par l’humilité estime
Les autres supérieurs à soi ;
Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts,
Mais plutôt que chacun songe
A ceux des autres. »
Converti, Jacob devient un autre homme (Gn.33, 3-11) :
«Cependant, lui-même passa devant eux
Et se prosterna sept fois à terre
Avant d’aborder son frère.
Mais Ésaü courant à sa rencontre,
Le prit dans ses bras,
Se jeta à son cou et
L’embrassa en pleurant
…Ésaü reprit :
‘J’ai suffisamment, mon frère,
Garde ce qui est a toi.’
Mais Jacob dit :
‘Non, je t’en prie !
Si j’ai trouvé grâce à tes yeux,
Reçois de ma main mon présent.
En effet, j’ai affronté ta présence
Comme on affronte celle de Dieu,
Et tu m’as bien reçu.
Accepte donc le présent qui t’es apporté,
Car Dieu m’a favorisé et
J’ai tout ce que qu’il me faut.’
Et, sur ces instances, Ésaü accepta. »
Ésaü revient chez lui à Séïr, mais Jacob se dirige vers Sukkot, à l’est du Jourdain.
Conclusion
Les chroniques antiques parlent de deux frères ennemis, Caïn l’aîné et Abel, point nuisible. Malgré cela, Caïn le tue et s’enfuit apeuré de la vengeance en période tribale. Et avoue-t-il (Gn.4, 13-14) :
« Alors Caïn dit à Yahvé :
‘Ma peine est trop lourde à porter.
Vois ! Tu me bannis aujourd’hui
Du sol fertile,
Je me devrai cacher loin de ta face et
Je serai un errant parcourant la terre ;
Mais le premier venu me tuera !’ »
Romulus, fondateur de Rome, tète avec son frère, le lait d’une louve, mais il ne s’empêche pas d’éloigner son frère Rémus pour rester l’unique chef et le premier roi romain, déifié en la personne de Quirinius, dieu de la guerre. Etéocle et Polynice fils d’Oedipe, roi de Thèbes à Athènes, se préparent tous deux à la descendance, Etéocle refusant de céder la place à son frère Polynice. Se défiant, ils se déchirent et périssent côte à côte.
Ce qui se dit des individualités se dit encore des collectivités tribales et étatiques. Pourquoi donc l’agressivité sévit-elle dans le monde des hommes ? Le Christ, n’a-t-il pas terrassé toute combativité et toute pugnacité par Sa croix ? (Ep.2, 14-16) :
«Car c’est lui qui est notre paix,
Lui qui a deux réalités n’a fait qu’une,
Détruisant la barrière qui les séparait,
Supprimant en sa chair la haine,
Cette Loi des préceptes avec ses ordonnances,
Pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau,
Faire la paix, et les réconcilier avec Dieu,
Tous deux en un seul Corps,
Par la Croix :
En sa personne il a tué la Haine. »
L’emmurement dans le mal et dans le péché bascule et tombe grâce au Christ, Maître de la paix pour toute l’humanité.
Ésaü et Jacob se réconcilient après désaccord.
Malheur à celui d’entre nous qui défie Dieu et ses signes. Bienheureux sommes-nous à écouter le Psaume : bonheur et joie s’assemblent dans la belle concorde (Ps.133) :
« La vie fraternelle.
Voyez ! Qu’il est bon, qu’il est doux
D’habiter en frères tous ensemble !
C’est une huile excellente sur la tête,
Qui descend sur la barbe,
Qui descend sur la barbe d’Aaron,
Sur le col de ses tuniques.
C’est la rosée de l’Hermon, qui descend
Sur les hauteurs de Sion ;
Là, Yahvé a voulu la bénédiction,
La vie à jamais.