Chapitre 14: Éphrem de Nisibe Chantre de la Vierge Marie

Chapitre 14

Éphrem de Nisibe

Chantre de la Vierge Marie

La Vierge m’a appelé

Pour chanter(1) son mystère

dans l’admiration

O Fils de Dieu

Donne-moi de T’admirer

Afin d’enrichir ma ligne de ton don

Et de peindre de ta Mère

L’image pleine de beautés.

Telle est la première hymne qu’Éphrem consacra à Marie, la Mère de Dieu, la toujours vierge, la toute pure. Elles furent publiées en 1886 par le prélat Thomas - Joseph, LAMY(2). Le point de départ, les textes pris à ce qui était le Musée Britannique, et qui sont venus du désert de Nitrie en Égypte, Codex A, Add 14506(3). Ensuite, Codex B, Add 14515 qui est daté de 893(4). Codex C, Add 14516(5). Codex D, Add 14511. Il fut écrit au 10ème siècle, et contient les hymnes 1, 3-5, la  « Sugita » (hymne 19) appelée une « Nusrotô » qui consiste à chanter en murmurant à voix basse, pour aboutir au silence et à la prière du cœur(6).

Mais avant de méditer ces hymnes mariaux, nous voudrions connaître leur auteur : Éphrem deNisibe.

Saint Éphrem

Ce grand chantre de la Vierge que le pape Benoît XV proclame le 5 octobre 1920, Docteur de l’Église catholique et que Jean Chrysostome loue comme « la lyre de l’Esprit-Saint, celui qui est le dépôt des vertus, celui qui console les affligés, conduit les jeunes, guide les égarés, comme celui qui est une épée tranchante contre les hérétiques »(7). Cet Éphrem est né vers 306, c’est-à-dire l’année où Constantin fut empereur comme disent les récits syriaques. Il fût le disciple de Saint Jacques, évêque de Nisibe, qui était présent au concile de Nicée en 325(8).

Saint Éphrem fut diacre et le resta toute sa vie. Nous n’oublions pas que le diacre était près de l’évêque et normalement il lui succédait, comme ce fut le cas d’Athanase qui accompagna son évêque, Alexandre d’Alexandrie, avant de lui succéder(9).

Saint Jacques confia à Éphrem l’École de Nisibe qu’il dirigea pendant longtemps, et même après la mort de l’évêque qui eut lieu en 337. D’autres évêques suivirent Jacques, Babai (338-343), Vologèse (343-361), Abraham qui ne demeura pas longtemps puisque la ville fut livrée aux Perses en 363, et la plupart de ses habitants la quittèrent.

Éphrem fut le dernier à quitter la ville, et même il resta un laps de temps pour s’assurer que les chrétiens qui sont restés à Nisibe ne sont pas persécutés. Ensuite, il partit à Édesse (Urfa-aujourd’hui) avec les maîtres de l’École, et il y fonda l`École d’Édesse qui resta longtemps à étudier dans les livres d’Éphrem. Ce qui poussa Qyoré, le directeur de l’École au 5ème siècle à regretter que « les commentaires de l’Interprète (Théodore de Mopsueste) ne soient pas encore traduits en syriaque. Mais, à cette époque, on commentait d’après la tradition de Mar Éphrem qui, disait-on venait de Mar Addai(10).

Comme directeur de l’École, Éphrem devait assurer le commentaire biblique, comme Origène à Alexandrie et à Césarée, et Hésychius(11) à Jérusalem et tant d’autres. D’autre part, Éphrem enseigna la philosophie et il nous reste certains traités où il répond aux hérétiques, spécialement Mani, Marcion, Bardésane.

Mais ce qui nous intéresse pour notre propos, c’est le rôle de ce diacre dans l’Église de Nisibe et d’Édesse : Former la foi des fidèles, assurer le service de la charité. Nous avons fait allusion à sa présence pastorale en 363. Il n’a pas eu peur pour sa vie, et il ressemble au capitaine du bateau qui reste sur le pont jusqu’à ce que tout le monde soit sorti sain et sauf. Ou mieux encore comme le berger qui ne fuit pas dès qu’il aperçoit le loup pour sauver sa vie afin de la perdre après, mais qui est prêt à donner sa vie pour ceux qu’il aime. A Nisibe ce fut le danger d’être fait prisonnier car il était le « chef » du fait que l’évêque de la ville n’était plus là. Mais à Édesse, Éphrem va donner littéralement sa vie, en soignant les gens malades de la peste. Ainsi, il mourut le 9 juin 373, il avait environ soixante-dix ans.

Nous rappelons ici que dans les Églises anciennes l’évêque était sur le trône, et le diacre prêchait. Ce que faisait saint Éphrem, ou Jean Chrysostome à Antioche au temps de deux évêques, Mélèce et Flavien(12).

Mais ce « prédicateur » n’était pas comme Jean Chrysostome avec un discours qui durait une heure, ou comme Sévère, l’évêque d’Antioche pendant six ans. Ce prédicateur était un poète, et ce qu’il « disait » c’était de la poésie qu’on chantait au IVe siècle comme nous la chantons au XXI siècle. Pour chaque hymne, il y a un refrain que la communauté reprend après chaque strophe, refrain qui donne l’idée principale ou le « dogme » qu’Éphrem voulait inculquer dans la tête et le cœur de ses auditeurs. Voilà le refrain de la première hymne :

Gloire à ta naissance

Divine et humaine.

D’ores et déjà nous remarquons que le thème de la prédication éphrémienne est avant tout christologique. Et s’il chante Marie, c’est parce qu’elle est la Mère de Jésus, la Mère de Dieu. Marie a chanté dans la maison d’Élisabeth qu’elle était une servante humble. Et si elle est grande de sorte que les générations la proclament bienheureuse, c’est parce que le Seigneur a fait en elle de grandes choses(13).

Éphrem chante les deux natures en Jésus-Christ : Il est Fils de Dieu. Il est Fils de Marie. C’est cela que proclame Saint Paul dans l’épître aux Galates : « Quand les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (4, 4). Bien avant le concile de Chalcédoine (451), ce chantre proclamait les deux natures, sans trop enquêter sur la manière de leur union. Ceci est laissé aux Grecs qui ont introduit la philosophie, et ont laissé de côté le texte néotestamentaire; qui ont oublié la loi du silence quand il faut parler de Dieu.

A Noël, un bébé est mis dans les langes (Lc 2, 2). Mais il n’est pas seulement un « fils d’homme ». C’est celui dont l’ange Gabriel porta l’annonce : « Celui qui va naître sera Saint (le Saint) et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). Que faire devant ce mystère inexprimable? Parler? Bien sûr que non. L’Évangile dit de Marie : « Elle retenait tout cela et le méditait dans son cœur » (Lc 2, 19). Les paroles! Les gens parlent, Marie non. Les événements! Ceux qui sont là s’étonnent de ce qui se passe. Ils sont encore bien loin de la foi. Mais Marie, non. Elle a été proclamée par Élisabeth : »Bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45).

Nous lisons à propos de ce silence, deux strophes de l’Hymne IV sur La Nativité(14)

146  Marie portait l’Enfant silencieux

Alors qu’étaient cachées en Lui

toutes les langues.

147  Joseph le portait, et en Lui se cachait

La nature silencieuse plus que tout,

ancienne.

Ce silence, Marie l’a vécu, et Éphrem voudrait bien imiter cette Mère bénie. C’est elle qui parle par la bouche de notre poète dans l’hymne XIX(15)

18 Trop haute est Ta montagne

Pour celle qui T’a enfanté.

Je m’assieds; je me repose

Soit pour moi un havre

Pour qu’en toi je trouve refuge.

Nature immense

Qui ne te laisse pas expliquer.

Permets à Ta Mère

De garder sur toi le silence

Car sa bouche est fatiguée.

19 Retiens les dons de Ta cithare

Qu’elle s’accorde eu peu de répit.

C’est Toi qui m’as enseignée

Tout ce que j’ai dit.

Apprends-moi aussi à me taire;

C’est Toi qui m’as épuisée.

Donne-moi aussi le repos

Gloire à ton Père!

*  *  *

Est-ce que Éphrem chantait tout seul dans sa cellule comme un ermite au visage émacié, à l’air triste, comme on nous le peint souvent? Absolument pas. Ce diacre vivait au milieu du peuple de Dieu. Et il devait avoir une santé solide, pour subvenir aux besoins des fidèles. Puis, le visage souriant, il recevait les gens qui avaient plaisir à être en sa présence et à l’entendre parler de Dieu dans une langue sublime. Dommage qu’on nous l’ait présenté de cette façon rébarbative, lui pleins de la tendresse qui transparait si bien dans ses chants à Marie. Nous lisons encore dans les Hymnes sur la Nativité l’hymne 45(16)

19 En des accents dignes d’envie

Marie brûlait d’amour.

Elle le berçait :

« Qui a donné à l’indignité que je suis

Qu’elle conçoit, qu’elle enfante

Un et beaucoup.

Grand et petit

Il est tout entier auprès de moi

Et tout entier auprès de tous.

20 En ce jour où Gabriel entra

Chez moi, la pauvre

Soudain il me fit

Femme libre et servante

De Ta divinité je suis la servante

De Ton humanité, je suis la mère

O mon Seigneur et mon Fils.

21 Soudain, la servante devint

Fille de roi.

Par Toi, ô Fils du Roi

Me voici, humble

dans la maison de David.

À cause de Toi,

O Fils de David,

voici la fille de la terre

Qui atteint les cieux

Par le Céleste.

Chantait-il avec les hommes seuls, ou avec les petits garçons qui étaient défigurés pour garder leur voix de soprano, comme on faisait à Rome ou à Constantinopleau jusqu’au 10ème siècle? Que non pas. Et pourtant on raconte plus d’une anecdote où Éphrem « a peur des femmes»: une fois il rencontra une femme qui le dévisageait. Il lui dit alors : « Regarde par terre ». Elle lui répond : « Toi-même regarde la terre car tu es pris de la terre; mais moi qui suis prise de toi, je te regarde ». Il y a là une allusion au ch. 2 de la Genèse où il est dit qu’Adam fut formé de la terre alors que pour créer la femme Dieu prit une côte d’Adam dont il forma la femme.

Ce diacre qui vit au milieu du peuple a dirigé un chœur où il y avait des jeunes gens et des jeunes filles, et cela au quatrième siècle. Pour cela, Jacques de Saroug le félicita dans un de ses chants :

Voyant

que les femmes ne chantaient pas,

Le bienheureux (Éphrem)

jugea dans sa sagesse

Qu’elles devaient louer

Qu’il était beau, cet aigle

Assis au milieu des colombes

D’enseigner une louange nouvelle.

Et Jacques de poursuivre son Mémrô en faisant l’éloge des femmes :

Vous avez été revêtues de gloire

Dans l’eau (du baptême)

Comme vos frères

Un même salut s’est opéré

Pour vous comme pour eux.

Pourquoi donc vous n’apprenez pas

À glorifier à haute voix?

Votre bouche silencieuse

Que ferma Ève, votre mère,

Est maintenant ouverte

par Marie, votre sœur

Pour chanter(17).

Vingt hymnes

Le nourrisson est dans son ventre,

sans mariage

Ô la grande merveille!

Le lait est dans ses seins

Telle n’est pas l’habitude.

Les signes de la virginité et le lait

Dans son corps pur

Pleins d’admiration,

Qui est capable d’en parler.

Nous avons cité la seconde strophe de la première hymne. Tout de suite, nous sommes consternés. Sans mariage, Marie est enceinte. Ceci n’est pas la coutume. D’un côté, les signes de la virginité sont là; d’autre côté : le lait est dans ses seins pour nourrir son « petit » qui est « grand ». Pour cela, Marie se demande :

Comment ouvrirai-je

La fontaine de lait,

À Toi la source!

Comment donnerai-je

À Toi la nourriture,

O Toi qui nourris l’univers

De Ta table!

Comment m’approcherai-je

De Tes langes

O Toi qui portes la lumière,

Comme un manteau! (H Nat 5, 24)

Et nous revenons à la première des vingt hymnes :

La Vierge Marie a enfanté

Le Fils dans la sainteté(18).

Elle a donné le lait

À Celui qui nourrit les tribus

et les nations.

Elle a porté sur ses genoux

Celui qui porte l’univers.

Elle est vierge, elle est mère, que n’est-elle pas?

Sainte dans son corps

Éclatante dans son âme.

Pure dans son intelligence

Toute transparente

dans son entendement

Toute parfaite dans ses sentiments.

Chaste et douce

Précieuse et élue

Pleine de beautés.

Éphrem cherche les mots sublimes pour parler de Marie avec des images prises à la nature. Mais auparavant, il nous place devant le paradoxe : La fontaine a besoin d’un peu de lait des seins de sa maman. Celui qui porte l’univers a besoin des genoux d’une jeune femme.

Celui qui sauve son peuple… le porte comme un berger (Ps 28, 9) est porté par Marie. Isaïe parle du Seigneur qui « dans son amour et sa compassion » racheta ses enfants, « les souleva, les porta » (63, 9) a eu besoin d’une maman pour le soulever, le porter et lui donner à manger; et s’il pleure à le cajoler, à le dorloter. Un tel Fils! Une telle Maman! Si nous chantons Marie, si nous chantons Jésus, qu’y a-t-il à redire? Sauf quelques esprits qui croient sauver l’honneur de Jésus; ils croient que si Marie est belle, la beauté du Christ est diminuée. D’où vient la beauté de Marie? N’est-ce pas de son Fils? Si la personne humaine est à l’image de Dieu et à sa ressemblance, va-t-on s’étonner que Marie soit la belle image! Et si elle a donné à Jésus ses yeux, ses oreilles, son cœur, son visage, ses mains… Jésus ne lui aurait rien donné! Quel avare! Mais non. Impossible. Il l’a remplie de toutes les grâces, de toutes les beautés. Quel fils plus aimant que Jésus! Quel fils plus puissant que celui par qui tout fut créé. S’il nous a divinisés en nous faisant ses frères et fils d’un même Père, le Père des cieux, va-t-on se poser des questions si Marie est divinisée! Pour cela nous chantons avec Éphrem, et redisons toujours la première hymne

Que se réjouisse en Marie

Tout le chœur des vierges

Car l’une d’elle s’est inclinée

A enfanté le seul Puissant

Qui porte les créatures,

Et par Lui a été libéré le genre humain.

Qui était dans la servitude.

Que se réjouisse en Marie

Le grand Adam que le serpent à frappé

Mais elle, Marie, lui a donné

Une racine qu’il a mangée

Qui a grillé le cruel (serpent)

Par lui fut guérie la lésion du serpent

Qui l’a tué.

Dans le peuple juif, le mariage était de règle, et l’on ne parle pas de virginité. Et une femme qui n’a pas d’enfant ressent l’opprobre, comme a dit Élisabeth (Lc 1, 25) et avant elle Rachel, femme de Jacob et mère de Joseph et de Benjamin. Mais avec Marie, la virginité est le plus beau joyau dans l’Église. Saint Jean fut loué parmi les Apôtres, car la tradition a parlé de sa virginité. Et certaines écrits apocryphes disent que le Seigneur lui demanda cela : « Tu dois être à Moi ». Jean Baptiste n’était pas marié, lui qui fut au seuil du Nouveau Testament et prépara le chemin pour la venue du Seigneur (Mc 1, 2-4).

Mais fait unique. Cette vierge sera aussi mère! Miracle inouï. On n’a jamais entendre rien de pareil et on n’entendra pas. Pour cela, les femmes de la Bible se réjouissent, surtout celles qui ont attendu longtemps avant d’avoir un enfant : Sara, Rachel, Tamar, Ruth et bien d’autres (H Nat VIII)

14 Rachel à grands cris

Dit à son époux

« Donne-moi des enfants » (Gn 30, 1)

Bienheureuse Marie!

Sans qu’elle l’ait demandé

Tu as habité en son giron

Chastement, ô Don

Qui Toi-même Te répands

En ceux qui Te reçoivent.

15 Anne avec des larmes amères

Demanda un enfant (1S 1, 12)

Sara et Rébecca

avec vœux et serments

Élisabeth aussi

Avec sa prière, après un long délai,

Elle a souffert, elle a été consolée.

16 Bienheureuse Marie!

Sans vœux,

Elle conçut, elle enfanta,

Tout en étant vierge

Le Seigneur de tous les fils

de ses compagnes

Qui furent, qui seront

Chastes et justes, prêtres et rois.

C’est la gratuité totale pour Marie. Elle n’a pas prié, n’a pas offert des vœux et des sacrifices. Elle n’a pas pleuré, n’a pas supplié. Tout en étant vierge, Éphrem la chante comme mère :

17  Qui chantonna à son Fils

Porté sur son sein

À l’exemple de Marie!

Qui a osé appeler : Mon Fils,

Le Fils de l’Auteur (de l’univers),

Le Fils du Créateur?

Quelle est celle, depuis toujours

Qui a appelé son fils

Le Fils du Très-Haut.

Qui ne chanterait une telle Mère! Depuis Adam, l’humanité regarde vers celle qui a écrasé la tête du serpent. Cet ennemi du genre humain depuis les origines. Avec Marie, par son Fils, c’est fait, il est absolument vaincu. Comment cela eut lieu? En mangeant, Adam fut lésé, frappé. Et le serpent va manger la racine que Marie lui a donnée. Adam est guéri et le serpent est tué.

Si le serpent a englouti Adam et Ève, la croix du Fils de Marie a englouti le serpent (H. Nat. 1, 27). La mort sent qu’elle a vaincu Jésus, mais en fait c’est la mort, fruit du péché, dont la puissance est abolie.

Adam a chanté, il s’est réjoui. Ève à son tour, elle qui se trouvait au shéol, là où gisaient les morts. Le remède de vie, le Fils de Marie descend pour ressusciter « la mère des vivants » comme l’appela Adam (Gn 3 ,20). « Le bébé béni écrasa la tête du serpent (v. 16) qui avait frappé Ève (H. Nat. 13, 2). Et nous revenons à la joie avec Lamy II, p. 522 :

7   Que se réjouissent les prêtres

Dans la Bénie qui s’est inclinée,

A enfanté le Grand prêtre

qui devint victime(19),

Il leur a épargné les victimes

Lui-même, en sa personne,

Est devenu la victime

Qui plaît à son Père.

8   Que se réjouisse en Marie

Tout le chœur des prophètes.

Par elle leurs révélations

Eurent leurs limites.

Par elle leurs prophéties

Furent accomplies.

Par elle furent confirmées

Leurs paroles, et renforcées.

9   Qu’en Marie se réjouisse

Tout le chœur des Pères(20).

Comme elle a pris leur bénédiction,

Elle a montré

qu’ils sont devenus parfaits

En son Fils.

Par Lui furent purifiés

Ceux qui l’ont vu, justes et prêtres.

10 Marie a donné aux hommes

Le fruit doux.

Au lieu du fruit amer

Que cueillit Ève sur l’arbre

Par le fruit de Marie,

Voici que la création tout entière

Trouve ses délices.

11 L’arbre de vie

Qui était caché dans le paradis

Germa par Marie

À partir d’elle il fleurit

Et à son ombre(21), la création s’assit

Son fruit se répandit

Sur ceux qui sont au loin

Et sur ceux qui sont proches.

L’image de l’arbre avec son fruit. Marie est cet arbre. Et son fruit c’est Jésus, comme dira Élisabeth quand elle fut visitée : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » (Lc 1, 42). Cela ramène Éphrem et les Pères de l’Église au paradis avec les deux arbres. Celui du bien et du mal était en fait un fruit amer qui a porté la mort dans l’humanité. Le second donna au monde un fruit doux; bien plus il a adouci l’amertume de l’arbre vers lequel Ève a tendu la main. Cet arbre est l’arbre de la vie qui a été éloigné de l’homme et de la femme; ils n’ont plus le droit d’y toucher. Le chérubin portera une épée flamboyante pour empêcher l’homme d’entrer au paradis, et partant de goûter à l’arbre de vie. Il a fallu attendre  Marie qui nous a donné ce fruit.

Lisons un peu La lettre à Diognète(12, 2) : « Il y a là un sens profond dans la parole des Écritures : Dieu créa au commencement l’arbre de la connaissance et l’arbre de la vie, au milieu du jardin, pour déclarer que nous atteignons la vie par la connaissance. Cependant Adam et Ève n’ont pas utilisé, avec pureté, cette connaissance; alors ils devinrent nus du fait que le serpent les a égarés. Pas de vie sans connaissance. Pas de connaissance sans vie. Pour cela furent plantés les deux arbres, l’un en face de l’autre ».

Dans la même ligne, Grégoire de Nazianze nous écrit dans ses Discours (29, 20) : « Le Christ fut élevé sur le bois de la croix; il y fut cloué. Mais il nous donna la vie par l’arbre de vie; il sauva le larron crucifié, et rendit ce qui était visible dans l’obscurité ».

Pour Éphrem, « l’arbre de vie porte d’espoir aux mortels » (H. Nat. 1, 8). Mais comment en jouir? Ceci est impossible aux hommes. Pour cela, ils ont attendu : Josué est entré en Terre Sainte (Nb 13, 23), il cueillit de ses arbres, mais il continua à regarder « le fruit qui donne la vie à tous » (1, 32). Mais déjà depuis Adam, l’humanité voulait un peu d’ombre sous « les rameaux de l’Arbre de vie » (1, 41). Non seulement ce Fils de Marie nous rapprocha de cet Arbre, mais encore il nous y enta, il fit de chacun de nous une branche de cet Arbre qui va couvrir l’univers et lui donner la vie éternelle. Nous lisons H. Nat. 3, 17;

Gloire à Celui qui jamais

N’a besoin de nous pour le louer

Il a besoin de nous aimer

Il a soif de nous chérir

Il demande que nous lui donnions

Pour nous donner

et nous donner encore

Son fruit s’est mêlé à notre humanité.

Ainsi nous serons attirés à Lui

Car il s’est incliné vers nous

Par le Fruit de la Racine

Il nous ente sur son Arbre.

Tout ne s’arrête pas là. Adam et Ève furent éloignés de l’Arbre de vie, de la vie; et le symbole : ils parurent nus. Marie vint alors à leur secours. Nous revenons à Lamy, première hymne:

12 Marie tissa un habit de gloire

Et elle l’offrit à son père (Adam)

Qui était nu entre les arbres

Il le vêtit, il fut chaste

Et reçut des beautés

Sa femme le détruisit

Sa fille le soutint

Le héros se leva.

13 Ève et le serpent

Ont creusé une fosse

Ils ont précipité Adam

Marie disposa et avec elle le Roi

Ils l’ont tiré (= Adam)

Ils l’ont remonté

De la fosse profonde

Par un mystère caché

Il vint, Il apparut

Il donne à Adam la vie.

14 La vigne vierge donna une grappe

Dont le vin est doux.

Par lui

furent consolés de leurs peines(22)

Ève et Adam qui étaient affligés

Ils goûtèrent au remède de vie

Et par lui ils furent consolés

de leurs peines.

Le texte biblique dit : Adam et Ève étaient nus, mais cela ne les dérangeait pas (Gn 2, 25). C’était une nudité extérieure couverte par la grâce. Éphrem commente ce verset. Il dit : « Ils étaient tous deux nus et ils n’avaient pas honte». Ils n’avaient pas honte car ils étaient revêtus par l’habit de gloire qui leur fut enlevé. Quand ils ont outrepassé le commandement, ils eurent honte de leur nudité »(23).

Dans le même sens, Jean Chrysostome commente : « Ils étaient nus sans en avoir honte ». « L’Écriture Sainte dit : Ils étaient nus et n’en avaient pas honte, car le péché et la désobéissance ne s’étaient pas encore introduits. Ils étaient revêtus de gloire céleste dont personne n’avait honte. Mais après avoir outrepassé le commandement, la honte est entrée et fut introduite la connaissance de la nudité »(24).

La nudité est dépassée par la « grâce de la résurrection » comme dit Grégoire de Nysse(25). Le paradis perdu est retrouvé, et « ceux qui en étaient chassés ont retrouvé une vie qui ressemble à celle des anges ».

Ce nous est un plaisir de citer Dorothée, de Gaza : « Au commencement, lorsque Dieu créa l’homme, il le plaça dans le paradis, comme dit l’Écriture Sainte. Il l’orna par toutes sortes de vertus, et il lui commanda de ne pas manger de l’arbre qui est au milieu du jardin. Il vivait dans la félicité du paradis, dans la prière, dans la vision de Dieu, en tout honneur et gloire. Ses sensations étaient saines, indemnes. Il vivait selon la nature où il fut créé. Dieu le créa à son image, c’est-à-dire immortel, libre, orné de toutes les vertus. Et quand il désobéit au commandement et qu’il mangea de l’arbre que le Seigneur lui ordonna de ne pas en manger, il fut chassé du paradis. Il chuta de ce qui s’accordait à sa nature, à ce qui lui était opposé. C’est-à-dire il chuta dans le péché, dans l’amour de la vaine gloire, dans l’amour des plaisirs de cette vie. Il fut conduit par les passions et les dénis, et il devint leur esclave, par la désobéissance »(26).

Mais la situation de nudité va changer. Grâce à Marie par son Fils, Jésus (H. Nat. 1)

43 Ève L’aperçut

La nudité des femmes était si grande.

Lui seul peut les revêtir

De la gloire qu’elles ont abandonnée

Au lieu, des feuilles (de figuier).

Adam et Ève ont péché. L’Écriture dit : voyant qu’ils étaient nus, ils ont pris des feuilles du figuier pour se vêtir. Mais, drôle de vêtement; par le Fils de Marie, ils reçoivent un vêtement de gloire. Les feuilles de figuier sont des « feuilles d’infamie ». Il faut qu’elles soient transformées. Et cela par Marie qui est « la petite servante » de Dieu qui n’a pu donner à son Fils qu’un pauvre vêtement. Nous lisons H. Nat. 17, 4

Ève qui était vierge

S’est revêtue des feuilles d’infamie

Ta mère qui est Vierge

s’est revêtu d’un manteau de gloire

Qui suffit à l’univers

Mais moi

j’ai donné à celui qui revêt l’univers

Un pauvre habit.

*   *   *

Après cette lecture de la Bible en compagnie des Pères de l’Église, nous revenons à saint Éphrem dans ses chants mariaux, avec des thèmes que nous avons déjà frôlés. Il s’agit de l’Hymne II (LAMY, II, p. 523) avec son refrain.

Béni Celui qui par Marie

S’est levé pour nous

Et nous a sauvés.

Marie est là, vierge au milieu des vierges, femmes parmi les femmes. Extérieurement, rien ne la distingue de son compagnes, un peu comme son Fils qui est « au milieu des gens qui le serrent et le poussent » (Lc 8, 45). Puis viennent les images du terrain où la semence est jetée et qui va « produire du fruit au centuple » (Lc 8, 8); l’image du navire qui porte les trésors, ou plutôt le Trésor pour lequel le vrai disciple est prêt à vendre tout ce qu’il a pour le posséder (Mt 13, 44). Et voilà cette hymne dans la bouche  d’Ephrem

Par ton don

Je chanterai des cantiques distingués

Pour la Vierge

Qui fut une mère admirable

Elle est vierge et elle est mère

Gloire à Celui qui l’a choisie.

Dans le chœur des (femmes) chastes

Elle se tient à la manière des vierges

Elle porte le fruit de la maternité

Toute tranquille

La vierge a eu un enfant

Et qui ne s’étonnerait!

Les femmes avec leur lait

(pour les nourrissons)

N’ont pas les signes de la virginité

Là où il y a le lait

Il n’y a pas de virginité

En Marie fut la merveille;

Elle donne naissance

tout en étant vierge

Elle est un terrain

Qui n’a jamais connu de laboureur

D’elle a surgi

Une poignée de bénédictions

Sans semence, elle donna

Un fruit aux créatures.

Elle est un navire

Chargé d’un trésor

plein de richesses.

Elle porte aux pauvres

La richesse céleste

Les morts sont enrichis

De celle qui porte la vie.

Par Marie

Toutes les vierges sont glorifiées

Parce que la vierge

Est la cause de (tous les) biens.

D’elle s’est levée la lumière

A ceux qui sont assis dans les ténèbres.

Trois qualificatifs : Marie est un champ où nul laboureur n’a passé ni jeté une semence. Image de la virginité. Marie conçut par l’opération du Saint-Esprit. Comment expliquer cela? Saint Jérôme recourt au récit de l’apparition du Christ aux Apôtres le jour de Pâques, avec la phrase centrale : la porte est restée fermée alors que Jésus est entré. C’est le mystère dans les deux cas : quand il vint dans le sein de sa mère; quand il vint au Cénacle.

« Marie la toute sainte, la toute bénie, mère et vierge, vierge avant la naissance et après la naissance. Je suis dans la stupéfaction. Comment naît un bébé  pour une vierge? Et comment une maman peut rester vierge après la naissance (de l’enfant)?

« Le Christ est entré, portes closes » (Jn 20, 19, 26). Sans doute, celui qui est entré par les portes closes n’était ni un fantôme ni un esprit (Lc 24, 37). C’était un homme véritable avec un corps véritable. « Touchez-moi et regardez. Le fantôme n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai » (Lc 24, 39).

« Il avait une chair et un os, mais il entra, les portes closes sans que personne ne le voit entrer. Comment la chair et l’os peuvent-ils entrer par des portes closes? Par où est-il entré? Tout était clos. Celui qui entre se trouva déjà à l’intérieur, mais personne n’a su comment il est entré.

« Toi, tu ne sais pas comment il est entré, et tu attribues son entrée à la puissance de Dieu. Attribue donc à la puissance de Dieu sa naissance d’une vierge, (et dis) qu’elle est restée vierge après l’enfantement »(27).

Le second qualificatif : Marie est un navire. Nous n’oublions pas le danger que risque la barque. Les vagues la frappent de tous côtés. Que faire quand cette embarcation porte l’or, l’argent et les autres richesses? Le psaume 107 nous dépeint une situation qui aurait été désespérée sans la main de Dieu

25 A sa parole

se leva un vent de tempête

Qui soulevait les vagues.

26 Ils montent aux cieux

Descendent aux abîmes

Sont malades à rendre l’âme;

27 Ils roulent et tanguent

comme l’ivrogne

Et toute leur adresse est engloutie

28 Ils crièrent au Seigneur

dans leur détresse,

Et il les a tirés de leur angoisse :

29 Il a réduit la tempête au silence

Et les vagues se sont tues.

Ce danger, Marie l’a ressenti. Elle se compare à Jonas en face des vagues furieuses. Mais pour Jésus et sa mère, le danger vient d’Hérode. Comment faire pour préserver le trésor qu’elle porte sur ses bras? Elle s’écrie : « Où vais-je fuir? » Cet Océan (qui était un dieu dans la mythologie ancienne) cherche à engloutir l’Enfant, qui est en même temps le Seigneur des eaux et des océans. (H. Nat. 6, 5); l’Évangile nous dit qu’il lui a suffi d’un mot pour que la mer se calme : « Silence! Tais-toi! » (Mc 4, 39). Les Apôtres eurent peur; ils crièrent. Mais Jésus restait calme, à l’arrière de la barque. Marie, elle aussi, restait tranquille, calme. Elle n’a pas peur pour le trésor, bien qu’elle sache qu’elle le porte comme dans un vase d’argile (2Co 4, 7).

Enfin cette hymne nous ramène au texte Isaïen repris dans Matthieu :

Le peuple qui marchait dans les

ténèbres

A vu une grande lumière

Sur ceux qui habitent le pays de

l’ombre de la mort

Une lumière a resplendi (Is 9, 1)

Des peuples écrasés, des villes détruites. Plus de maisons, plus d’habitants. L’obscurité règne partout (Is 8, 23). Le prophète aperçoit de loin le salut de ceux qui marchent sans savoir où ils se dirigent. Mais la lumière est là, deux fois citée. Matthieu reprend ce texte et l’applique à la Galilée qui était menacée par le paganisme (Mt 4, 16). Quant à Éphrem, il voit l’humanité tout entière immergée dans les ténèbres du paganisme. La lumière vint par Marie, d’elle s’est levée la lumière comme le soleil sur le monde. Et nous poursuivons cette hymne II

Par Elle (Marie) fut élevée

La tête d’Ève qui était abaissée.

Elle porta l’Enfant

Qui saisit le serpent.

Les feuilles de l’ignominie

Furent englouties dans la gloire.

Deux vierges

Furent (données) à l’humanité

L’une fut cause de vie

L’autre, cause de mort.

Par Ève apparut la mort

Et la vie par l’intermédiaire de Marie

La fille (Marie) a soutenu

La mère (Ève) qui était tombée

Et parce qu’elle (Ève) revêtit

Les feuilles de l’ignominie

L’habit de gloire.

Par Marie il y eut un espoir

Pour la troupe des femmes.

L’outrage dans leurs oreilles

La honte sur leurs visages.

Elle (Marie) les a libérées

Et fut sans blâme.

Aujourd’hui jubilent

Toutes les femmes mariées

Comme elles,

Elle porta le Fruit

Qui donne la vie à leurs enfants

Gloire à Celui qui l’a envoyée.

Par Marie s’est levée la lumière

Qui chassa les ténèbres.

La ténèbre entra par l’intermédiaire d’Ève

Elle troubla l’humanité.

Par Marie fut illuminé

L’univers

qui était dans les ténèbres.

Ici le poème revient au parallèle entre Ève et Marie. Celle-ci symbolise la lumière; Ève, le péché. Marie est élevée, elle porte un habit de gloire. Sa mère est abaissée, elle porte « les feuilles de l’ignominie » qui désignent la faute, quand elle écouta la voix du serpent. Par Ève est entré l’esclavage du péché, et partant la mort. Sa fille a libéré toutes les femmes, et le Fruit qu’elle porta donna la vie à leurs enfants.

La troisième hymne(28) dont le refrain est : « Gloire à Celui qui est apparu de toi, de manière admirable », pose le problème de la quête de Dieu. Éphrem s’oppose au monde grec qui veut « fouiller » la divinité, au lieu de rester silencieux devant le mystère

Marie la Toute-pure

Loue le Fils qui dans sa miséricorde

Est apparu d’elle

De ce sein virginal,

Sans mariage ni union

La mère a enfanté miraculeusement

Le Fils de Dieu qui est apparu.

Au milieu des foules

Marie crie durant la fête

À pleine voix

« Que personne ne scrute

À propos de mon Fils

Car personne ne peut pénétrer

Auprès de lui se repose la recherche

Et tous les sages sont vaincus.

La Toute-pure élève la voix

Elle te loue, Seigneur

Car Ton amour t’a attiré

Pour que tu viennes, que tu naisses

Et tu habites dans le sein virginal

Que tu sortes d’elle, tu te manifestes

Béni es-tu (Dieu) caché

Car tu nous a visités.

Sa bouche (de Marie) méprise

Ceux qui manquent de jugement

Car ils cherchent à pénétrer

Ta naissance glorieuse

Par Elle (Marie)

les scribes furent méprisés

Car ils se sont approchés pour scruter

Par elle

les hésitants sont amenés à se repentir

Car elle a enfanté

sans qu’elle fût connue.

Les sages ne peuvent comprendre; ils voient leur défaite. Ils ont voulu pénétrer et ils se sont arrêtés à mi-chemin. Cela dépasse l’entendement humain : le Fils de Dieu habite dans le sein d’une vierge. Nul homme ne l’a connue, et pourtant elle a donné naissance à un enfant. Depuis Isaïe il nous est dit : « Pour sûr, tu es un Dieu qui se tient caché, le Dieu d’Israël, celui qui sauve! » (45, 15). A vouloir le pénétrer on agit sottement, on manque de jugement, et l’on mérite le mépris de la part de la Mère de Dieu elle-même.

*   *   *

Le quatrième poème(29) est plus long. Il parle du démon, d’Ève, du fruit défendu. Puis nous sommes en face de Marie qui entre dans le mystère : Elle est la porte fermée selon la parole d’Ézéchiel (44, 1-2). Personne n’y entrera, car l’intérieur est réservé à Dieu.

Exulte, chœur des jeunes filles

En la Vierge, admire pleinement

Car elle s’est incliné,

a enfanté le héros

Qui a enchaîné le rebelle,

l’a mis en prison

Afin qu’il n’égare plus

les jeunes filles.

Par la ruse il égara Ève

Elle mangea le fruit qui tue

Votre sœur, Marie, a détruit

L’arbre qui a donné la mort

Elle a donné le fruit

qui (nous) vivifie tous.

Dans ses entrailles,

un feu liquéfiant

Sur son sein, la grande merveille

Dans ses doigts elle tient le feu

Et entre ses bras elle porte le soleil

Nous craignons

de parler de son mystère.

Elle porta Celui qui modela

Elle enfanta

Celui qui fit le genre humain

Elle donna le lait à Celui qui                      nourrit (toute créature)

Qui est capable de parler

De son mystère plein d’admiration.

Marie était pleine d’étonnement,

En son âme, elle était sage

En son corps elle était sainte

En ses pensées elle était pure

Elle portait les flammes.

Le rebelle, le serpent, Satan est vaincu. Que les femmes n’aient plus peur d’être égarées comme Ève. De plus, l’arbre qui porte la mort n’est plus. A sa place Marie nous donne « le Fruit » qui nous vivifie.

La seconde image a rapport au feu avec à l’arrière-fond le buisson ardent. Deux fois il est fait mention du feu : il est dans les entrailles de Marie; puis elle le tient dans ses mains. Et à côté du feu, c’est le soleil qu’embrasse la Vierge. Admiration, étonnement! On ne sait que dire devant ce mystère. Les flammes de feu qui n’avaient pas touché les trois jeunes gens dans la fournaise (Dn 3, 1ss), sont une douceur rafraîchissante pour Marie.

Tout est paradoxe! Une jeune fille porte celui qui fit Adam de la poussière du sol (Gn 2, 6). Est-ce possible? Une jeune fille donne naissance au Créateur! Elle donne une nourriture, son lait, à celui qui

Depuis ses demeures, il abreuve les

montagnes,

La terre se rassasie du fruit de son

travail.

Tu fais pousser l’herbe pour le bétail

Les plantes que cultive l’homme

Comme dit Ps 104, 13-14, car Dieu n’oublie pas les arbres, les cèdres qu’il a plantés (v. 16). Même quand les lions rugissent, Dieu leur assure de quoi manger (v. 21). C’est Lui aux œuvres si nombreuses (v. 24). Et pourtant Marie s’occupe de lui, le met dans les langes, lui donne à manger et à boire. Et le poème poursuit dans le même sens

Qui donc est capable

De porter l’étonnement

loin de son œuvre.

Ou l’admiration

loin de son entendement

Ou l’émotion loin de sa pensée!

Elle a enfanté tout en étant vierge

Entre ses mains elle tient l’Enfant

Et sur son corps

on voit les signes de la virginité.

Le lait bouillonne dans ses seins

Et elle n’est pas émue dans sa virginité.

Chaque jour

elle est pleine d’étonnement.

Ses chants (de Marie)

sont pleins de sagesse

Si ceux qui écoutent sont proches,

Elle chantonne comme à un nourrisson.

Et s’ils sont au loin, elle L’adore

Comme au Seigneur de majesté.

Elle porte l’Enfant entre ses bras

Et son âme est pleine d’admiration

Elle est fière

parce que cet (Enfant) est son fils

Mais elle sait aussi

qu’il est son Seigneur.

Elle vit qu’elle portait un enfant

Et les signes de la virginité

sont conservés

L’œuvre nouvelle qui eut lieu

Lui donna la force pour comprendre

Que Celui qu’elle tient (dans ses bras) était Dieu.

La Vierge fut pleine d’étonnement

Elle était pleine d’attention

devant le mystère caché.

Elle sait qui il était

et de qui il était le Fils :

Le fruit béni qu’elle portait

En tout cela elle était sage.

Ézéchiel, fils de la déportation

Vit par son œil prophétique

La Vierge, la fille de David

Il dépeignit l’image de la virginité

Par ses révélations divines.

Le prophète de la maison des Chaldéens

Dépeint l’image de Marie

Il la pose dans le livre des prophètes

Il conserve son mystère dans les livres :

Que celui qui lit comprenne!

Le Seigneur montra au prophète

Dans les demeures sacrées

La porte close. Il lui dit :

« Celle-ci sera fermée

Car Dieu est entré par elle ».

Marie vierge et mère. Elle est la première à être dans l’admiration. Pas un jour, mais tous les jours. Car ce mystère se présente toujours nouveau. Dieu lui-même a fait comprendre à cette jeune fille comment se comporter. Ah si les « scribes » savaient l’imiter.

Pour ceux du ciel, ceux qui sont au loin, elle adore avec eux. Les Séraphins, les Chérubins savent devant qui ils se tiennent. Marie est la première à en avoir conscience, car elle est la reine des anges. Et pour ceux de la terre, ceux qui sont proches, elle tient son bébé près de son cœur. Elle lui chantonne comme chantonne toute maman d’une voix discrète. Pas besoin de crier devant le Silencieux qui a créé toutes les bouches.

Dans les dernières strophes, Éphrem fait appel à Ézéchiel. Celui-ci ne vit pas à Jérusalem, mais il fut déporté en Chaldée (ou Babylone) avec le premier groupe; il quitta la Ville Sainte en 597 et fut prophète, dans le monde araméen, le monde d’Éphrem. Deux fois il est dit de lui : Il a dépeint l’image de la Vierge. Il a parlé de la Virginité, non de lui-même mais parce qu’il était prophète, qu’il jouissait du don de prophétie. Dieu lui envoya des « révélations » qu’il va consigner dans les livres. Il ne reste aux auditeurs qu’à prendre l’attitude préconisée dans l’Évangile : « Qui a des oreilles, qu’il entende » (Mt 13, 9). Et si cela paraît difficile, il nous est dit une parole qui nous pousse à agir : « Que celui qui peut comprendre comprenne! » (Mt 19, 12). Le Christ parlait de mariage, puis il passe à la virginité. Étonnement des disciples, et même un certain refus : « Si telle est la condition de l’homme… » (v. 10). Jésus leur demande d’entrer dans le mystère du mariage. Avec Marie, il nous est demandé de contempler celle qui est vierge et en même temps, mère. Dieu entra en elle. La porte était close et le restera. Dieu y est entré qui oserait! Après cela, certains voudraient parler de Marie comme on parlerait de n’importe quelle mère! Oh qu’ils sont méprisables!

*   *   *

La cinquième hymne (LAMY II, p. 533ss) se chante selon le ton « Paradis » avec le refrain suivant : « Béni est-il Celui qui te fit (ô Marie) sa Mère par grâce, qui s’est levé de Toi (comme un soleil), est sorti et a illuminé les créatures ».

La Vierge a donné naissance,

Ils ont entendu et n’ont pas cru

Les scribes et les scrutateurs

Ils ont regardé selon la nature        Qu’il n’y avait pas moyen

Que les vierges donnent naissance

En Marie la nature fut défaite, vaincue

Car la Vierge fut enceinte

Et la Vierge enfanta.

Elle avança

Là où l’on ne peut trouver

de route naturelle

L’enfant apparut, sortit

Par la route où passent les enfants

Sa mère était vierge

Elle revêtit l’étonnement

Elle portait le fruit

Tandis que son ventre était scellé

Il y eut une route nouvelle

Où elle s’est avancée

Par un miracle

La Vierge donna un enfant,

Ce que la nature

Ne donne pas à la femme

(sans le commerce d’un homme).

Je chanterai la Vierge

Qui fut par la grâce (de Dieu)

La Mère du Seigneur

de toutes (les créatures)

Elle fut enceinte sans une semence

Elle enfanta

sans (le concours) d’un homme

Elle engendra sans être unie

Et devint merveille pour le monde.

Elle enfanta de manière admirable

On ne peut percevoir comment cela fut

Parce que les scribes

Ne sont pas capables de le scruter.

C’est toujours une mise en garde contre les scribes, les docteurs. Ils n’ont pas cru en Jésus-Christ parce qu’il n’a pas passé dans leurs écoles. Comment vont-ils croire qu’une Vierge a pu avoir un enfant tout en gardant les signes de sa virginité. Nous savons ce qu’a dit le Talmud à propos de la naissance de Jésus et de la virginité de Marie. Et dans la ligne des scribes, ce sont les scrutateurs que ne peut sentir Éphrem et toute une tradition syriaque. A partir de notions philosophiques ils cherchent à pénétrer la nature divine.

Scribes et scrutateurs se cantonnent dans la nature humaine : il n’y a qu’une route que l’humanité suit. Cela est vrai au niveau de la terre. Mais avec Marie nous sommes déjà au ciel puisque ses mains tiennent celui qui habite une lumière inaccessible.

Une nouvelle route est frayée. Nous ne la voyons pas de nos yeux. Mais nous laissons sa vérité nous pénétrer.

Une grâce insigne fut donnée à celle qui est « pleine de grâce ». A celle qui a surpassé toutes les femmes. Et même elle fut une exception dans notre monde. Pourquoi vouloir la ramener au niveau de la simple nature?

Le texte le dit et le redit : pas besoin de semence, pas d’intervention d’un homme, pas d’union conjugale. Et malgré cela, Marie fut extérieurement semblable à toutes les femmes. Elle fut enceinte, elle enfanta, elle engendra. Cela est impossible disent « les docteurs ». Mais le fait est là. Ils ne peuvent être convaincus par la logique humaine. Mais la présence de l’Enfant divin leur montre qu’ils sont vaincus. Ils n’ont plus qu’à avouer qu’ils sont incapables de scruter l’action divine.

Éphrem avait dit : « Je chanterai », et son chant ne peut s’arrêter, puisque les scribes se sont montrés incapables.

A la jeune fille, le lait

À la vierge l’enfant

Qui ne s’étonnerait

Devant la Mère glorieuse!

Elle s’incline, enfante

Donne du lait

Elle ressemble en tout à une maman           Qu’il soit dans la honte

Le scribe qui veut scruter la mère :

Comment elle fut la mère

de celui qui la modela

Tout en gardant

les signes de la virginité.

Ton mystère, ô vierge (Fille de David)

Est placé sur l’Arche d’alliance

La prophétie a dépeint

Ton image si belle

Elle a placé dans les livres

Ce qui peut être compris

Ils (les prophètes) ont parlé de toi

Par cette jarre nouvelle

Ton Fils fut le sel

Qui a assaini la source

Par laquelle trouve vie

Le monde tout entier qui était mort.

Ils t’ont dépeint par le bâton

Qui fut déposé dans l’Arche d’Alliance.

Il poussa

alors qu’il ne fut pas planté en terre

Pour proclamer ton mystère

Le bâton non irrigué

Fut couronné de feuilles

Pour qu’il soit la figure de la Vierge.

Elle produisit le Fruit admirable

Et nous le donna.

Sa figure fut dépeinte et connue

Par le bâton du lévite (Aaron)

Ce n’est pas avant le temps

Ce n’est pas après le temps

Qu’un arbre engendre

Un autre agneau sur la terre.

Ni qu’une vierge

Enfante sans le concours d’un homme

Marie et l’arbre sont un

L’agneau était attaché aux branches

Et Notre Seigneur au Golgotha

L’agneau sauva Isaac

Et Notre Seigneur, les créatures.

Quand Il descendit (sur terre)

Il ne quitta pas le Char.

Quand il habita en Marie

Le ciel ne fut pas vide (par son absence)

Quand il dormait dans la barque

Un autre n’a pas menacé le vent

Quand il changea l’eau en vin

Le Verbe n’était pas séparé

De son corps

Mais en tout cela

Il a montré qu’il était Dieu.

Pas de place pour les « docteurs », pas de place pour les « philosophes » qui veulent  mettre Dieu dans leurs syllogismes. Le fait est là : Marie ressemble à toutes les mamans : elle enfante, donne le lait, et l’on peut ajouter : elle berce le bébé. Cela est impossible pour une vierge! Mais l’ange Gabriel avait bien dit à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37; voir Gn 18, 14, cela fut dit à Sara).

« Le venin des Grecs » comme l’a appelé Éphrem n’a servi qu’à diviser l’Église. Revenons au « remède de vie », à la parole de Dieu. Ici le diacre de Nisibe nous montre comment l’Écriture a été « mangée », « assimilée, afin de nourrir la communauté qui chante. Et l’on se demande : quel rapport entre l’arbre et l’agneau? Seul un poète comme Éphrem, et un amoureux de la Bible comme sait en avoir la tradition syriaque, peuvent relier ces deux éléments.

L’Arbre d’abord. C’est l’arbre généalogique présenté par Matthieu qui prend son départ en Abraham et David pour aboutir à Marie « de qui est né Jésus ». Puis, c’est l’arbre auquel était attaché l’agneau qui devait servir au sacrifice d’Abraham. En effet, il est dit : « Abraham leva les yeux et regarda. Et voici qu’un bélier était attaché par ses cornes aux branches (d’un arbre). Abraham s’en alla prendre le bélier, il le fit monter en holocauste à la place de son fils » (Gn 22, 13).

Le mot syriaque qui signifie « arbre » (qaysô), signifie aussi « le bois ». L’arbre auquel était attaché le bélier se retrouve dans le bois de la croix auquel fut attaché Jésus-Christ. L’arbre d’Abraham « engendra » un agneau. Éphrem passe du « bélier » à « l’agneau », parce qu’il pense à l’agneau sans tache, sans défaut (Ez 46, 6), «l’agneau qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29). Cet agneau qui rappelle l’agneau pascal, se retrouve au moment où mourut le Christ sur le Golgotha. Là Jean reprend la parole de l’Exode (12, 46; cf Ps 34, 21) : « Pas un de ses os ne sera brisé » (19, 26). En effet, pour le quatrième évangile, Jésus est le nouvel agneau.

Mais la comparaison dépasse le « bélier » et « l’agneau » pour placer Isaac à côté de Jésus, ou plutôt pour mettre en parallèle le rôle du « bélier » par rapport à Isaac, et le rôle du Christ par rapport à la création tout entière. D’où vint l’agneau? De l’arbre. D’où vint Jésus? De Marie. Et la conclusion : l’arbre et Marie sont un. Mais ce que fera le Fils de Marie dépasse infiniment le « salut » opéré par l’agneau en faveur d’Isaac.

Du livre de la Genèse avec Abraham et Isaac, nous passons au livre de l’Exode avec la première expérience de la vie au désert, après le passage de la Mer Rouge. Pour Éphrem, il suffit d’un mot, d’une expression, pour ouvrir de larges horizons.

Pour lire « le mystère » de Marie, allons vers l’Arche d’Alliance, ce coffre sacré, qui marchait devant le peuple comme un signe de la présence de Dieu. Pour voir le don de la grâce de Dieu, regardons, le jarre ». Il est dit en effet dans le livre de l’Exode qu’il faut mettre de la manne « en réserve pour vos descendants » (16, 33). Et cette jarre est précieuse car elle contient « le pain dont je vous ai nourris au désert » (v. 32) selon la parole du Seigneur. Le texte grec dira : « Un vase d’or » (Hé 9, 4).

Mais Marie n’est pas une simple jarre; et si elle venait du temps de Moïse, elle serait comme une « vieille » outre, comme « un vieux vêtement ». Or le Christ nous a mis en garde : « Personne me met du vin nouveau dans de vieilles outres; sinon le vin fera éclater les outres » (Mc 2, 21). Et la conclusion : « A vin nouveau, outres neuves ».

La manne est le pain ancien. A sa place le pain nouveau. Jésus dit : « Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Tel est le pain qui descend du ciel, que celui qui en mangera ne mourra pas » (Jn 6, 49-50). Pain nouveau, le Christ, la Jarre sera nouvelle, Marie. Plus de mort avec celui qui vivifie le monde. « C’est moi qui suis le pain de vie; celui qui vient à moi n’aura pas faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif ». (v. 35).

Il y eut une autre expérience au désert, et cela dis le début : « Ils arrivèrent à Mara, mais ne purent boire l’eau de Mara, car elle était amère » (Ex 15, 23). Que fit Moïse pour la rendre douce, potable? « Les Seigneur lui indiqua un arbre d’une certaine espèce. Il en jette un morceau dans l’eau et l’eau devint douce » (v. 25). Jésus mit du sel; mais non, Lui-même fut  le sel qui a assaini la source « qui devint porteuse de vie non de mort».

Et l’on passe au Livre des Nombres avec l’image du bâton d’Aaron. Du bois sec, qui ne fut pas planté; malgré cela il pousse. Sans eau, il porte des feuilles, puis des fruits. Ce bâton appartient à Aaron, fils de Lévi. Qu’est-il arrivé? Il fut déposé dans l’Arche d’Alliance, symbole de la présence de Dieu.

On lit: « Le lendemain, Moïse entra dans la tente… et vit que le bâton d’Aaron, de la maison de Lévi, avait bourgeonné, il avait fait surgir un bourgeon, éclore une fleur et mûrir des amandes » (Nb 17, 23). Aucune aide humaine, mais par la seule action divine; pas de plantation, pas d’irrigation. Ceci ne correspond aucunement aux lois de la nature.

Éphrem part du bâton pour donner une image de Marie. Celle-ci est un mystère. Le bâton fut le type qui nous mena à ce mystère. Rien au point de vue humain ne préparait celle qui est vierge à concevoir, à donner naissance à un enfant. Mais l’on a eu une figure dans le passé avec le bâton d’Aaron. Cette figure devient réalité quand la Vierge nous donna un Fruit. Don miraculeux, agréable.

Et le poème se termine dans l’affirmation que celui que virent les juifs, les disciples, les gens de la noce, était Dieu. Quand il descendait sur la terre, il ne quittait pas le char céleste. Cela signifie comme nous disons en théologie : le Verbe est resté uni au Père; il n’a jamais quitté le ciel de sorte que le ciel soit vide. Même quand il était dans le sein de Marie, sa puissance divine s’est exercée sur Jean Baptiste (Lc 1, 44). Même endormi dans la barque, il impose le silence à la mer, à la tempête (Mc 4, 39). Dans les noces de Cana, c’est un hôte comme tous les hôtes; mais le miracle qu’il opère montre qu’il n’est pas simplement un homme.

*   *   *

Vingt poèmes qui chantent Marie. Nous n’avons cité que cinq avec les richesses scripturaires qui sont à l’arrière-fond. Pour terminer, je voudrais présenter encore un poème, comme j’ai commencé. C’est le sixième dont le refrain se présente comme suit:

Béni est Celui qui habita en Elle

Étonnement total!

Il s’est levé, il est sorti d’Elle

L’univers fut illuminé.

Préparez-vous, chœur des vierges

Tapez des mains

Entonnez des chants glorieux.

Car la Vierge a enfanté

Grand étonnement!

Elle devint la merveille

pour ses compagnes.

Isaïe incita toutes les jeunes filles

Il révèla aux vierges le mystère

La Vierge a conçu, sans mariage,

L’Enfant merveilleux, dans la sainteté

Isaïe parla manifestement:

La crainte est tombée

sur les jeunes filles

Quoi donc! Qui est-elle? Où, quand

Apparut l’action pleine d’étonnement?

La voix du prophète les a effrayées!

Il entonne un chant nouveau

aux filles des Hébreux

« La Vierge concevra! »

Les filles chastes furent troublées

Car il parla avec admiration

dans la prophétie.

Isaïe chanta :

« La Vierge concevra » (Is 7, 14)

Mais il n’expliqua pas : Quoi donc? Où? Quand?

En Marie

résonna la voie de la prophétie

Qui fut en celle

qui est pleinement admirable.

Par ses révélations,

le prophète poussa

Les jeunes filles

à multiplier les questions

Quand eut lieu (cette) œuvre nouvelle,

Pour que la Vierge enfante

comme il a été prophétisé?

En Marie

tous les mystères furent expliqués

Ils étaient cachés

dans les livres des prophètes.

Le soleil de justice apparut d’elle

Et par son épiphanie

fut illuminée la terre entière.

Marie fut une vigne (Is 5, 1ss)

D’elle a poussé le nazaréen,

comme il est écrit

Pour accomplir

le mystère de la prophétie

Il fut élevé à Nazareth

pour tout accomplir (Mt 2, 23)

Voici que les eaux sont serrées

dans un voile

L’Enfant est dans la Vierge,

sans mariage

En Marie furent accomplis les symboles;

Les signes et les oracles eurent leurs limites.

Conclusion

Chanter Marie, qui pourrait le faire! Raconter sa grandeur est une mission impossible. Chercher à connaître son mystère de Vierge et de Mère, quelle audace! Déjà au quatrième siècle, Éphrem osait. L’Écriture vint à son secours avec les images et les symboles qui rendent proche ce qui parait sublime. En effet, quand l’évangile parle de Marie, il ne le fait pas d’un point de vue humain. Partant des étapes de la vie d’un enfant, il élève le lecteur au niveau divin. Marie conçoit, mais sans mariage. Elle met au monde son enfant, tout en restant vierge. A Noël, Celui qui est dans les langes est le roi de l’univers. C’est Jésus, non Auguste. Quand il est circoncis et qu’il reçoit son nom, c’est pour signifier que Jésus est celui qui sauve son peuple de ses péchés… C’est cette ligne que prend Éphrem pour parler de la Vierge Marie. Et à un moment, il s’arrête devant le mystère. En silence. Et il nous demande de le faire. Avec lui admirons la petitesse d’une jeune fille de Nazareth qui est devenue grande parce que le Seigneur a voulu faire en elle des choses admirables. Si elle est bienheureuse, c’est parce qu’elle est la Mère de Dieu. Que dire de plus.

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