Chapitre 7:Marie, porte fermée, fontaine scellée

Chapitre 7

Marie, porte fermée, fontaine scellée (1)

Voulant parler de la virginité perpétuelle de Marie, les Pères de l’Eglise ont eu recours à des images prises à la Bible, avec l’idée de fermeture. Personne n’y est entré. Sauf celui qui doit le faire: le Seigneur qui prit corps dans son sein: « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom de l’Emmanuel, ce qui se traduit: Dieu avec nous» ( Mt 1,23 ). Et Saint Luc de rapporter les paroles de l’Ange: » Tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils » ( Lc 1,31 ). Et ce ne sera pas le fait d’un homme mais »L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre» ( v.35 ).

1- Virginité de Marie

Marie conçut dans la virginité: Elle enfante Jésus tout en étant vierge. Comment l’a-t-elle mis au monde? Comme toutes les femmes, se demandent les chercheurs «réalistes» au 20ème siècle. Et l’on va chez le médecin, le gynécologue. Saint Ephrem dira qu’elle a conçu par son oreille et qu’elle a enfanté par sa bouche. Et l’on comprend l’idée: si Jésus est le Verbe, la Parole, celle-ci entre par l’oreille et sort par la bouche. Ainsi  Ephrem a voulu maintenir le mystère de la virginité de Marie. Celle qui conçut son Fils d’une manière qui diffère de toutes les mamans, ne pouvait-elle pas être différente  des autres mères quand «elle  accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire » ( Lc 2,7 ).

Mystère autour de sa conception. Mystère autour de son enfantement. Elle est simplement la mère de Jésus. Et Joseph vivra lui aussi dans la virginité et gardera Marie et Jésus, comme cela fut promulgué dans une lettre de Jean Paul II: Le gardien du Rédempteur.

Quand Marie reçut l’appel de l’ange pour être la mère du Messie, elle comprit qu’elle devait être vierge, toute sa vie; qu’elle devait lui être consacrée corps et âme. Pour cela, elle dit à l’ange:» Comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ...? » ( Lc 1,34 ). De fait, Marie n’est pas encore allée à la maison de Joseph pour y mener une vie maritale comme n’importe quelle   femme. Mais  l’ange aurait   pu  donner  une réponse   «humaine»   à  unequestion «humaine». «Je n’ai pas de relation conjugale», comme dit la traduction de la TOB. «Mais tu pourras en avoir», aurait rétorqué l’ange. En effet, le texte nous dit dès le début de la scène; Marie est «une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph» ( v. 27 ). Mais l’ange n’a pas dit: «Va chez Joseph et tu auras un enfant». Cela aurait été une réponse banale. Trop humaine, pour ne pas dire terre à terre. Au lieu de cela, le texte de l’évangile dit: «l’Esprit Saint viendra sur toi». C’est lui qui forme Jésus dans ton sein.

Pourquoi cette réponse de l’ange? Parce que la question de Marie était loin d’être humaine. Elle est vierge et elle doit le rester. «Je ne connais point d’homme» et je ne connaîtrai pas. J’ai pris le parti de la virginité alors, comment vais-je concevoir? Et la réponse vient toute naturelle: tu concevras par l’opération du Saint Esprit.

Pour cela, l’Eglise proclama la virginité perpétuelle de Marie: avant l’enfantement, lors de l’enfantement et après l’enfantement. Et ne nie cette vérité que celui qui lit le texte de manière littérale, comme si c’était un dialogue réel «cru» entre deux personnes, un homme et une femme. D’abord n’oublions pas que l’ange, qui est esprit, n’a pas de bouche comme notre bouche pour parler. Et puis ce texte fut écrit en 85. Ce qui signifie qu’il porte l’expérience de Marie jusqu’à son Assomption, comme l’expérience de l’Eglise. C’est un texte théologique avant d’être un récit «anecdotique». C’est la rencontre de Marie avec Dieu dans un dialogue intime, dans une vocation toute particulière. Luc mit cette expérience spirituelle unique dans un dialogue entre Marie et l’ange, à un moment particulier. Mais ce dialogue entre Marie et son Dieu ne s’arrête pas durant toute sa vie sur la terre. Et bien sûr au ciel. Et au jour le jour, elle comprend ce que le Seigneur lui demande. Et le «fiat» qu’elle prononça devant l’ange, fut sa réponse de chaque jour, de chaque heure: «Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole» ( Lc 1,38 ).

2- Porte fermée

Les Pères de l’Eglise ont relu la Bible pour parler de la virginité de Marie. Ils trouvèrent comme première image «La porte fermée» telle qu’elle se lit dans la prophétie d’Ezéchiel.

«L’homme me ramena vers la porte extérieure du sanctuaire, celle qui fait face à l’orient; elle était fermée. Le Seigneur me dit:» Cette porte restera fermée; on ne l’ouvrira pas; personne n’entrera par là; car le Seigneur, le Dieu d’Israël est entré par là, elle restera fermée» ( Ez 44,1-2 ).

De loin, Ezéchiel regarde la sainte montagne, avec Jérusalem, la capitale futuriste. Le peuple de Dieu renouvelé sera réuni autour de son sanctuaire  nimbé de gloire. Ezéchiel dit que «la gloire du Dieu d’Israël arrivait depuis  l’orient, avec un bruit semblable au bruit des grandes eaux» ( Ez 43,2 ).

Temple nouveau et porte spéciale. Le Seigneur y est entré, personne n’a le droit d’y passer. Le prince lui-même n’aura même pas le droit d’en franchir le seuil ( 44,3 ). Son palais, profane, est éloigné du sanctuaire. Tout ce qui lui est laissé, c’est une place d’honneur dans la liturgie. Il peut participer au repas sacré devant le Seigneur, plus précisément, devant la porte du temple.  Dans le temps, le roi était le «Grand-prêtre» et c’était lui qui désignait les prêtres et pourvoyait aux sacrifices; mais à présent tout a changé. Le sanctuaire est fermé et personne n’a le droit d’y entrer. Il est réservé au Seigneur et à lui seul. Comme nous sommes loin de cette «caverne de brigands» dont parle Jésus (Mc 11,17 ) citant le texte de Jérémie (7, 11 ). La maison du Seigneur doit être «une maison de prière pour toutes les nations» (Mc 11,17 ; voir Is 56,7 ).

A présent le Temple c’est le corps de Jésus-Christ signe et réalité de la présence de Dieu dans le monde.

3- Marie est cette porte fermée

«Cette porte fermée restera fermée». Cela a signifié pour la réflexion chrétienne que Marie est restée toujours vierge. Et cela pour la gloire de Dieu et la manifestation de son action dans le monde.

Le vénérable Guibert dit: «La sainte Vierge est cette porte dont parle Ezéchiel, qui regardait l’orient; La gloire du Dieu d’Israël est entrée par cette porte. O porte par laquelle Dieu est entré chez nous! O porte par laquelle les mystères de la foi sont découverts.

«Belle et précieuse porte par laquelle la cité du Dieu est ouverte. Elle est tournée vers l’orient, parce que sa personne et tout ce qu’elle fait indique l’action de la lumière divine. Elle est bénie entre toutes les femmes. Elle est si aimable que la gloire du Dieu entre par cette voie».

Dans cette ligne Pierre de Blois, archidiacre de Londres, expliquait ces paroles d’Ezéchiel où il est dit qu’il se tourne vers la porte du dehors, par où l’on entrait dans le sanctuaire du côté de l’orient; il soutient que «le prophète parlait alors en la personne d’Adam et de ses enfants renfermés dans la prison de leur captivité ... Il n’y a personne pour me secourir que l’auguste Vierge, porte extérieure du sanctuaire. C’est la vraie porte orientale puisque par elle le Soleil de justice est entré dans la maison du monde, pour éclairer et délivrer ceux qui étaient plongés dans l’ombre de la mort, c’est-à-dire le péché».

Cela est un aspect où Marie est la porte du Temple. Mais l’autre aspect va dans la ligne de notre thème: Marie porte fermée. Saint Bonaventure dit dans un chant latin écrit à louange de la bienheureuse Vierge Marie:

«Vous êtes, O Vierge sainte, la porte fermée qui ne s’ouvrira pas, porte dont parle le prophète; elle est interdite aux hommes. Dieu seul, en sa sagesse, entre en vous et en sort sans violence, sans souillure, votre virginité restant intacte. Votre virginité est la porte par laquelle le Messie, Fils de Dieu, qui resplendit au sommet  des cieux, est entré pour s’incarner en vous sans quitter le sein de son Père, pour prendre un corps en vous et de vous. O Vierge par excellence».

Tu es porta quae clauditur,

Apertionis nescia,

De qua propheta loquitur ...

4- Marie, jardin fermé

Dans cette même atmosphère, nous pouvons lire Ct 4,12: «Tu es un jardin fermé, ma soeur, mon épouse». Et Saint Bernard de commenter: «O Marie, votre sein très sacré nous est un jardin de  délices, parce que nous y cueillons beaucoup de douces fleurs toutes les fois que nous réfléchissons sur la multitude de douceurs que la terre y trouve. Vous êtes, O Marie, un jardin fermé où la main du pécheur n’a jamais pu pénétrer pour ternir ses fleurs ...

«Vous êtes un jardin fermé, o ma soeur, mon épouse; O Mère de Dieu, vous êtes un jardin fermé. Vos plants forment comme un jardin de délices rempli de pommes, de grenades et de toutes sortes de fruits (Ct 4,13). Or le plant de ce jardin est le Fils de Dieu conçu en Marie et enfanté par elle. Que signifient donc ces paroles, sinon la virginité de celle qui conçoit, et son intégrité dans l’enfantement».

Et Saint Albert le Grand de commenter ce texte du Cantique: «Le sein de Marie est ce jardin où s’est élevée la fleur de la tige de Jessé, fleur dans laquelle notre salut entier a refleuri. Ce sein sacré est comparé à un jardin pour dix raisons. Car il est premièrement, un jardin fermé du sceau de chasteté perpétuelle. Jamais, comme le dit Origène, l’étranger n’y a passé. Ce jardin est le paradis du Seigneur, en ce qu’il exhale tous les plus delicieux    parfums des vertus ...»

5- Marie, fontaine scellée

Le Cantique (4,12) dit encore: «Tu es, o ma soeur, mon épouse, une fontaine scellée». Philippe de Harveng dit en commentant ce texte: «Marie est avec juste raison  appelée fontaine, elle dont l’intelligence ne tarit pas, dont le sens n’est pas desséché par une aride chaleur; elle est ineffablement enseignée, et elle s’enrichit de la grâce des dons secrets, et sa foi sans bornes  est continuelle. Elle tient pendant longtemps comme scellé, le mystère qui lui est révélé. Elle tient  sous le sceau l’abondance dont elle jouit, la mode de sa fécondité, la  forme de ses  noces, l’excellence de  sa  virginité, car  Dieu, qui lui a donné une telle science, une si droite conscience, ne l’a pas laissée comme un vase découvert, mais il l’a scellée. afin que ceux qui entendent et qui ne comprennent pas ne se scandalisent point. L’ineffable auteur de la maternité divine met la clef de David sur le lit nuptial de la Vierge, sur les mystères, sur la fontaine jaillissante, sur la merveilleuse fontaine des choses célestes».

En cela, Marie est le modèle de ceux qui recherchent la chasteté. «Mais cette fontaine qui s’élève de la terre, désigne aussi Marie mère et vierge; sortie de la terre, c’est-à-dire de ses parents, elle arrose toute la surface de la terre; par les exemples de sa chasteté et de son humilité; elle illustre l’Eglise catholique dans le monde entier. Cette fontaine virginale  arrose tellement toute la terre, elle a tellement étendu en tous les lieux les  ruisseaux de la chasteté et de l’humilité, qu’une innombrable multitude des deux sexes ne cesse de mortifier la chair et les membres ... par une vie chaste. Et non seulement cette multitude désire garder la chasteté extérieure, qu’est l’intégrité du corps, mais aussi la chasteté de l’esprit, qui est la vraie humilité du coeur».

Et nous terminons ici encore par Saint Bonaventur, ce grand dévot de Marie: Rigans mundum novo rore: «Marie vivifie le monde par une nouvelle rosée, par un nouvel enfantement, par une nouvelle lumière et d’une manière nouvelle; elle  répand sur toutes choses une admirable clarté qui lui communique la divine bonté. C’est une fontaine qui s’élève en honneur, qui s’épanche avec amour sur la terre, et que l’amour divin rend toujours plus abondante».

Conclusion

Telle fut notre démarche pour découvrir la Vierge Marie, cette porte fermée, ce jardin fermé, cette fontaine scellée. Tout cela est une image de la chasteté de Marie, de sa viriginité perpétuelle. Dans une première phase, l’Eglise a lu les textes de l’Ancien Testament pour y découvrir l’image du Christ, surtout avec les Pères de l’Eglise. Au Moyen Age latin, avec la découverte de la place de la femme dans l’Eglise, on lit les textes bibliques avec un regard sur Marie dont la grandeur repose sur sa maternité divine.

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