L’iraque et la Bible

L’iraque et la Bible

Quand on parle de l’Iraq actuel, on pense à la Mésopotamie ou au pays qui est situé entre les deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate. Ces deux fleuves ont leur source en Turauie et traversent l’Iraq de bout en bout avant de se jeter dans le golfe Persique et donc dans l’océan Indien. Dans l’Antiquité, ce pays connut l’une des civilisations les plus florissantes: Sumériens, Babyloniens, Assyriens, Akkadiens, Araméens. Puis, il passa aux mains des Perses et des Arabes. Il existe de nombreux points de contact entre ce pays et l’univers biblique. C’est ce que nous tenterons d’exposer dans les paragraphes suivants, susceptibles bien sûr d’être développés par la suite.
1. La démarche initiale d’Abraham, le père des croyants, prit corps en Iraq. Une tradition la situe à Our en Chaldée (Gn 11,28). C’est la tradition sacerdotale qui reçut sa forme définitive au Ve siècle av. J.C. dans le milieux des exilés a Babylone. Ces derniers se considéraient comme la vraie postérité d’Abraham a la différence de ceux qui étaient restés en Palestine et qu’on appelait le «peuple de la terre». Our était la grande ville de Mésopotamie occupée au  1er millénaire par le clan araméen des Chaldéens. Occupée par les Sumériens, elle connut une période de splendeur à la fin du IIIe millénaire. Mais une autre tradition situe le départ du «père des croyants» à Harran, au nord de l’Iraq actuel. En effet, dans la table des peuples exposée en Gn 10, on cite seulement trois villes de Mésopotamie: Babel, Ereq, Akkad (Gn 10, 10). C’est à Harran qu’Isaac prendra une femme (Gn 24, 1s). Et Jacob passera une bonne partie de sa vie à Harran chez son oncle (Gn 27 ss).
2. Cela nous amène à parler du séjour du peuple hébreu en Mésopotamie: il venait du nord de la Palestine (royaume d’Israël - capitale, Samarie) et du sud (Juda - capitale, Jérusalem). Les Assyriens (VIIIe siècle av. J.C.) déportèrent la population de Samarie et firent venir à sa place des gens de Babylone, de Kouth... (1 R 17, 24). Les Babyloniens déportèrent les cadres de la population de Juda en Babylonie (1 R 25). Jérémie leur annonça qu’il ne fallait pas penser à un retour proche: Qu’ils construisent des maisons, qu’ils cultivent les terres. Et l’on a ce fameux psaume qui décrit la souffrance des exilés: «là-bas au bord des fleuves de Babylone, nous restions tout éplorés» (Ps 137, 1). Le retour, pour ceux qui avaient choisi de rentrer chez eux, eut lieu grâce aux Perses en 538. Mais un grand nombre resta en Mésopotamie et s’y fit une situation.
3. Le départ en exil fut considéré comme un anti-Exode. Moïse avait conduit le peuple hébreu d’Egypte en terre de Canaan. Dieu leur avait demandé d’être fidèles. Leur infidélité eut pour conséquence l’exil hors de la Terre promise. Ils étaient esclaves en Egypte, Dieu les avaient libérés. Mais à présent, Dieu les livrait a l’ennemi. C’est dans ce nouveau contexte de servitude que retentit la voix des prophètes, spécialement celle d’Isaïe qui considérait le retour de Babylonie en terre de Canaan comme un nouvel Exode.
4. Cette expérience d’exil suscita une réflexion dont on trouve la trace dans toute la Bible. Dieu apparaît comme un Dieu de colère et de vengeance. S’il vient visiter son peuple, c’est pour le punir. L’eau, qui était un élément bienfaiteur en Egypte, était pour la Mésopotamie comme pour le peuple hébreu un élément destructeur. L’inondation du Nil laissait le limon et la fertilité à la terre, mais le Tigre et l’Euphrate furent a l’origine d’un déluge qui détruisit toute âme vivante (Gn 6, 13) à l’exception de Noé, sa famille, et ses proches. On comprend l’influence de la pensée mésopotamienne sur la Bible.
5. Dans ce climat, nous pouvons considérer Gn 1-11 comme une relecture des traditions de l’Iraq ancien. Enuma Elish (quand dans les hauteurs) parle de la victoire de marduk sur Tiamat. La Bible, elle, montre que le Tehom est en fait de l’eau qui sera «couvée» par l’esprit de Dieu. C’est d’elle que sort tout être vivant. Pour Atrahasis, la création de l’homme a pour but de décharger les dieux mineurs de leurs travaux pénibles. Alors que la Bible parle avec amour de la création de l’homme, puis de la femme, et du marriage où les deux ne font qu’une seule chair. Le déluge devient un dialogue entre l’homme pécheur et le Dieu Saint. La Tour de Babel est une condamnation des ziggourats, temples à plusieurs étages: ce n’est pas de cette façon qu’on peut atteindre Dieu dans le ciel.
6. Dans ce contexte, l’image de Dieu prend une nouvelle coloration. Dans le monde cananéen, avec l’importance qu’on y attribuait à la pluie et à la fécondité, on l’avait rapproché de Marduk qui avait mis de l’ordre dans un monde semblable au chaos. Gn 1 s’en inspire: Dieu organisant la création en six jours. Isaïe dira: «Qui a tendu les cieux, et fondé la terre» (51, 13).
7. Il y eut des prophètes en Mésopotamie. Si la légende relie Balaam au monde araméen de l’Iraq et de l’Euphrate (Nb 23, 7), la recherche situe à, Elqosh, en Mésopotamie, l’origine du prophète Nahum. La piété religieuse envoie Jonas à Ninive pour prêcher à des païens sanguinaires le retour à Dieu. Jérusalem n’est pas revenu à Dieu, mais Ninive près de Mossul en Iraq) prend le sac et la cendre. Jonas est en colère et aurait bien voulu se venger. Cependant Dieu lui parle de sa miséricorde envers cette ville païenne qui doit être la première étape du retour des païens à Dieu. Enfin Ezéchiel est vraiment, en Iraq, le prophète du peuple en exil. Il est présent auprès du fleuve Kebar, ce canal latéral à l’Euphrate qui va de Babylone à Warka. Enfin, le contexte du livre de Tobie se situe entre Ninive et Ecbatane, ce qui correspond à l’Iraq et à l’Iran. Ce «sage» de la diaspora juive, qui continue à pratiquer la Loi, bien que loin de Jérusalem, est une «reprise» biblique de l’histoire d’Ahiqar dont la sagesse se répandit dans le monde oriental et passa même en Occident avec Esope. Le livre de Judith nous parle de Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui sera vaincu par Bethulie et ne pourra atteindre Jérusalem. Dieu est le plus fort comme dit le psaume 2: il  remporté la victoire grâce à la foi d’une veuve et non par les armes (Za 9, 9-10).
8. La Mésopotamie est très souvent citée dans la Bible: Aram (Nb 23, 7), Aram Naharayim (Gn 24, 10; Dt 23, 5; 1 Ch 19,6), Paddan ou Paddan-Aram (Gn 28, 2; 48, 7). Elle s’identifie au pays des Chaldéens. Les villes que l’on retrouve dans l’Iraq contemporain sont: Assour, Ninive, Harran, Babel ou Babylone, Nippur, Shuruppak, Uruk, Ur, Eridu. Elles sont situées sur les bords de l’Euphrate. D’autres, dont Kalah, se trouvent sur le Tigre (Diglat en akkadien), appelé ainsi par les Grecs à cause de ses crues.
Voilà un bref parcours des rapports existant entre l’Iraq et la Bible. Nous sommes en présence de textes anciens que nous lisons non dans un cadre politique, mais culturel et religieux. Il est vrai que l’Iraq, par les Babyloniens et les Assyriens, va dominer les pays situés à l’ouest de l’Euphrate. Mais la Bible s’inspire plutôt de la richesse d’une pensée et d’une sagesse qui influencent sa manière d’exprimer la Révélation dans un langage humain. Si l’Egypte permit à la Bible de découvrir l’image du Dieu Sauveur, l’Iraq aida les Hébreux à découvrir le Dieu Créateur. Ces deux grands puissances antiques furent deux fontaines où les écrivains sacrés ont puisé abondamment pour exprimer une pensée religieuse dominée par le monothéisme.

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