Isaac d’Antioche-Poème sur l'incarnation du Verbe

Isaac d’Antioche
Poème sur l'incarnation du Verbe

Dans «Homiliae S. Isaaci syri antiochiocheni» publiées par Paul(1), nous pouvons retrouver quatre poèmes sur l’Incarnation(2) que G. Bickell avait déjà publiés et traduits en latin(3) et que Landersdorfer traduira en allemand(4) à côté d’autres hymnes du même saint Isaac.
Je n’oserai pas m’attaquer à l’épineuse question de l’identité de l’auteur de ces poèmes. Déjà Jacques d’Edesse, dans une lettre adressée à Jean le Stylite, distinguait trois Isaac différents: un d’Amid et deux d’Edesse(5) dont l’un serait venu à Antioche. Gennadius présente deux Isaac, dont l’un, orthodoxe, aurait écrit de nombreux sermons contre Nestorius et Eutychès et qui serait mort sous le règne de Léon et Majorian(6). Si la Chronique d’Edesse(7) se contente de parler d’un certain Mar Isaac, écrivain et archimandrite, Denys, patriarche des Jacobites, mentionne Isaac qui fut de la ville d’Amid et qui écrivit un discours sur la chute de Rome qui eut lieu en 410(8), tandis que le patriarche jacobite Jean bar Shushan le considère comme Jacobite puisqu’il compile et commente ses poèmes.
Je me contenterai de citer trois opinions. Dans la première, X. Ducros(9) voudrait départager les poèmes mis sous le nom d’Isaac d’Antioche entre un auteur monophysite, justement Isaac d’Antioche, et un auteur orthodoxe, Isaac d’Amid (Diarbekir actuel). Ainsi, il refuse la mention d’un Isaac qui se serait converti à la fin de sa vie à l’orthodoxie, et il considère que cette opinion a été émise pour expliquer la présence de textes monophysites à côté de textes orthodoxes. Dans la seconde, F. Graffin(10) parle d’Isaac d’Amid et d’Isaac d’Antioche qui vécurent au 5e siècle. Mais il attend une édition complète et critique pour départager cet ensemble de deux cents poèmes qu’on attribue à Isaac le Grand d’Antioche comme le nomme Assémani. La troisième est de A. Abuna(11) qui considère que les poèmes à thèmes monophysites sont d’Isaac d’Antioche, tandis que ceux à thèmes orthodoxes sont d’Isaac d’Amid, disciple de Zénobius (lui-même disciple de saint Ephrem), ou d’un auteur chalcédonien qui aurait écrit au milieu du 5e siècle.
Les poèmes mis sous le nom d’Isaac d’Antioche furent compilés par Bar Shushan (+ 1073) comme nous l’avons dit plus haut; il en cita soixante. J. S. Assémani donna en 1719 un résumé de 104 poèmes(12). D’autres poèmes nous sont connus, soit par la tradition manuscrite qui remonte au 6e siècle, soit par la tradition liturgique qui commence au 12e siècle(13).
La traduction que nous proposons se base sur l’édition de Bedjan qui ne diffère que par quelques détailsinfimes du texte de Bickell. Nous proposons la division du poème en paragraphes et nous nous contentons d’un minimum de notes, laissant pour la suite l’étude d’un vocabulaire qui se veut suetout fidèle à la doctrine d’Ephèse.
Ce Memro intitulé «Sur la foi et l’Incarnation de Notre-Seigneur par le saint docteur Mar Isaac»(14) est dirigé contre les Monophysites, avec qui l’auteur ne voulait pas s’engager dans une lutte si les circonstances ne l’y avaient poussé. Fort du secours de Dieu, il montre leurs erreurs dans leur commentaire de Jn 1, 14 (Et le Verbe s’est fait chair) qu’ils interprètent dans un sens monophysite. Il les accuse d’introduire le mélange et la confusion dans le Christ.
Son argumentation est tout d’abord dogmatique: le monophysisme est nécessairement ngation et de la divinité du Christ et de son humanité:
Qu’ils soient dépouillés des deux [vies]
eux qui ont voulu le dépouiller des deux [natures]
Laquelle des deux vont-ils confesser,
eux qui ont laissé disparaître les deux [natures]?
Confessent-ils sa divinité?
Si elle se transforme, elle n’est plus elle-même.
Veulent-ils confesser son humanité?
Si elle est telle, elle n’est plus [une vraie nature humaine]. [vers 87-92].
L’auteur cherche surtout à confondre les Monophysites en les convainquant de nier la nature divine du Verbe en concevant son «devenir homme» comme un «devenir chair», et cela ne peut être qu’un mélange et une confusion entre la divinité et l’humanité dans le Verbe, Or, si la nature divine est conçue comme mélangée à la chair, elle n’est plus elle-même, car elle aurait subi une transformation.
Si le Verbe s’était fait chair,
le Verbe serait absorbé par la chair;
Alors le Verbe n’existerait plus
et nous aurions seulement la chair (vers 101-104).
Une tel enseignement est pire que celui d’Arius et de Marcion, parce que le premier, ayant nié la divinité du Verbe, l’a au moins honoré comme Créateur, et le second l’a appelé Bon (cf vers 107-120).
Selon notre auteur, si les Monophysites en arrivent à nier la divinité du Verbe, c’est qu’ils acceptent le «fut fait chair» de saint Jean et refusent le «habita en nous» qui lui est pendant.
Tu lis: «le Verbe s’est fait chair»,
et la parole «il habita en nous» est dure pour toi.
(vers 123-124)
Nous sommes là devant une christologie «Logos-Anthropos» qui conçoit l’Incarnation comme l’inhabitation du Verbe dans l’homme; cette christologie s’oppose à celle de «Logos-Sarx» qui conçoit l’Incarnation comme la prise de la chair par le Verbe.
Voici que [saint Jean] la dit: «[Le Verbe] s’est fait chair»,
et comment a-t-il dit: «Il habita en nous»?
La chair n’habite pas la chair,
et l’os n’adhère pas à l’os.
Comment la chair [peut-elle] habiter
une autre chair et y demeurer? [vers 125-130]
Il n’y a pas de doute que pour notre auteur, l’expression, l’expression «il habita en nous» (interprétant exactement «il s’est fait chair») explique parfaitement le mystère de l’Incarnation. Elle ne signifie pas comme dans le texte de Jean que le Verbe est devenu homme parmi les hommes, mais que le Verbe habita en la nature humaine. Elle n’exprime pas la nouvelle condition existentielle du Verbe fait chair, mais plutôt sa condition ontologique dans l’incarnation.
Notre auteur professe donc nettement une christologie dyophysite très poussée. Dans le Christ, le Verbe et Jésus sont considérés comme «quelqu’un qui assuma un autre» (vers 370). C’est une christologie dans la pure tradition de l’Ecole d’Antioche et de ses grands maîtres. Mais est-il chalcédonien? La formule christologique à laquelle il somme ses adversaires d’adhérer est-elle chalcédonienne?
Par le fouet de ses (saint Jean) versets,
Je marquerai ton dos
Jusqu’à ce que tu confesses
qu’il y a seux natures et une seule prosopon (fars%ûfô en syriaque) (vers 405-408).
Sa doctrine sur la communication des idiomes reste cependant en deça de la foi chalcédonienne. Il dit par la bouche de saint Jean:
Car j’ai mêlé dans mes écrits,
les choses d’en haut avec les choses d’en bas,
Pour que celui qui lit distingue
les [propriétés] respectives des deux [natures] distinctes,
Qu’il ne confonde pas et n’attribue pas
ce qui est de sa divinité à son humanité.
Et qu’il ne blasphème pas encore en attribuant
ce qui est de son humanité à sa divinité.
Dans cet esprit j’ai écrit
ce qui a trait à la divinité et au corps. vers 165-174)
Après cette argumentation dogmatique basée sur la confrontation des deux expressions johanniques «il s’est fait chair» et «il habita en nous», notre auteur amène plusieurs autres textes néotestamentaires pour prouver l’existence des deux natures en Jésus-Christ.
L’un de ces textes est Mt 1, 18: Maire est dite avoir conçu Jésus. L’auteur y trouve une preuve contre les Monophysites qui croient que le Verbe, en devenant chair, fut changé et transformé.
L’Evangéliste proclame sa conception
et n’annonce pas qu’il fut transformé. (vers 291-292)
Que Marie ait conçu Jésus prouve le réalisme de la nature humaine du Varbe.
Un autre texte est pris à saint Paul (2 Cor 1,35): il s’est fait malédiction; ce texte est allégué pour confondre la fausse interprétation monophsite de l’expression johannique «il s’est fait chair». Cette malédiction désigne chez saint Paul, selon notre auteur, le corps de péché dont s’est revêtu le Verbe.
Dieu le fit malédiction
par le corps qu’il reçut de nous,
Et celui qui n’avait pas commis de péché
Dieu le fit péché.
Nous affirmons qu’il fut fait péché,
lui qui n’avait pas de tromperie à la bouche.
Lui-même, en effet, avait reçu notre malédiction
et pour cela, il se vêtit de notre corps...
Ainsi la parole qui dit: il s’est fait chair
est comme celle qui dit: il s’est fait malédiction.
(vers 299-316)
C’est ensuite la déclaration de Jean-Baptiste dans Jn 1,30 que notre auteur rapporte pour confirmeer sa christologie. Le texte dit: «Voici qu’après moi, vient un homme qui était avant moi». Et l’auteur ajoute «car il est» comme un explication de «qui était avant moi» (Cf 323-324). Cette déclaration de Jean Baptiste affirme et la parfaite humanité du Christ, «vient un homme», et sa parfaite divinité «qui est avant moi». Jean est plus ancien que le Christ par la naissance humaine, mais le Christ est avant lui parce qu’il «est celui qui est, l’éternel».
Un dernier texte (Lc 22,42) est enfin cité: «Père, si tu veux, que cette coupe s’éloigne de moi, mais que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne». En appelant Dieu son Père, le Christ manifeste sa divinité, et en parlant de sa propre volonté en face de la volonté du Père, il manifeste son humanité.
Il nous montre sa divinité
par cette parole: Père, s’il est possible;
Il nous montre aussi son humanité
par cette parole: mais non ma volonté.
C’est sa divinité qui crie: Père,
et son humanité qui prie et pleure.
Il montra que son Père est celui qui est
et il montra qu’il se vêtit d’un corps. (vers 358-364)
Le Verbe et le Père, ayant une même nature, n’ont qu’une seule volonté; lorsque le Christ, par conséquence, parle de sa propre volonté, c’est qu’il parle de sa volonté humaine distincte de sa volonté divine qui est la même que celle de son Père.
L’auteur termine son Memro par un appel à la vraie foi, seule condition de salut. Les Monophysites «renégat» ont nié le corps qu’a revêtu Notre-Seigneur; c’est pourquoi, ils ne verront pas ce Corps à la résurrection.
Après cette introduction, voici le texte du poème.
A. Souhait de l’auteur: un memrô digne de Notre-Seigneur
J’ai pris le parti de me taire(15),
mais les temps ne me le permettent pas.
Je me suis enfui vers le port du silence,
mais je n’ai pas pu y parvenir(16).
Ma volonté a enfermé mon esprit,
et par la porte du silence, elle le coupa du monde extérieur.
(Mais) comme une baguette, le doigt de l’Esprit- (Saint)
fit vibrer ma cithare et y chanta.
Je voulais m’excuser: je ne suis qu’un enfant(17);
10.         il me donna le signe de Jérémie.
Je disais: je suis ignorant;
il m’imposa silence comme Moïse(18).
Je (voulais) fuir (son ordre) de prêcher(19),
son silence, comme Jonas, me pêcha.
Je (voulais) aller mon chemin par négligence;
sa parole fut brûlure en moi.
Me voici: je (veux) combattre par ta force;
sois à ma droite, soutiens-moi.
Je (veux) parler de toi, parle par moi,
et ordonne dans mon esprit ce que je dirai de toi.
Que je ne sois pa, Seigneur, (un homme) qui scrute,
mais celui qui adore (ton mystère).
Donne-moi tes armes; par elles je vaincrai
celui qui nie le mystère de ton incarnation(20).
Incline vers moi la fronde de ta parole;
nous y déposerons la pierre de la foi.
Ma faible main l’expédiera;
contre Goliath, ton négateur, je la lancerai(21).
O toi qui as créé toute chose
30.          avec mesure et progrès
Que mon «memrô» ne soit pas déficient (pour parler) de toi,
car ta vérité révélée ne fut pas déficiente en moi.
B. Dialogue entre la divinité (tu) et l’humanité (je)
Ta nature a vêtu notre poussière;
ta splendeur s’est vêtue de notre boue.
Ta divinité est dans notre nature,
notre nature est dans ta divinité:
Ni mélange, ni confusion,
ni altération, ni transformation(22).
Que je ne te parde pas alors que tu m’as trouvé,
40.         que tu ne me perdes pas alors que tu m’as trouvé.
Ta nature demeura comme elle était
et ma nature aussi comme tu l’as créée.
Tu m’as assumé sans que je sois transformé,
je fus à toi sans que je périsse.
Tu as habité en moi sans que tu sois altéré
Tu t’es vêtu de moi sans que je sois absorbé par toi.
Ta nature ne fut pas transformée
pour devenir un corps sans moi,
Et ma nature, sans ta divinité,
50.          ne mérita pas d’être Dieu(23).
(Si), dans ta miséricorde, tu t’es vêtu de l’homme
pour qu’il soit semblable à toi,
(Si) tu l’as revêtu comme d’un vêtement,
ce n’est pas pour t’en dépouiller, une fois usé.
Ta nature ne fut pas mélangée à notre nature;
notre nature ne fut pas confondue dans ta nature.
Notre finitude fut conservée en toi, Seigneur,
et ton Essence (divine) habita notre corps.
Par toi, notre Premier-Né est monté au ciel,
60.           car le châtiment (que tu as enduré) nous (a assuré) le
repos.
Ce n’est pas la scission ou la séparation,
ce n’est pas non plus la division (que nous confessons).
Nous ne confessons pas deux hypostases,
(nous ne confessons) pas deux fils,
Mais deux natures en un seul Dieu
sans division, ni transformation.
Fils de la poussière et fils de notre Auteur,
une seule image humano-divine.
Fils d’Adam et fils de Dieu,
70.          similitude unique, majesté unique.
Fils de marie, fils du Royaume,
diadème unique, domination unique.
Fils de David, Seigneur de David(24),
un seul aspect, une seule perfection.
Fils de Joseph(25), fils du Créateur.
même puissance, même seigneurie.
C. Réponse aux Monophysites qui mélangent les deux natures
Nous ne voulons pas, comme les autres(26),
établir notre foi sur des bagatelles.
Ceux qui confessent en lui
80.         et mélange et transformation
Désespèrent (de connaître) les deux (natures):
et sa divinité et son humanité.
Dès qu’ils introduisent la confusion
et qu’ils nient les deux (natures), laquelle restera-t-elle?
Qu’ils soient dépouillés des deux (vies),
eux qui ont voulu le dépouiller des deux (natures).
Laquelle des deux vont-ils confesser,
eux qui ont laissé disparaître les deux (natures)?
Confessent-ils sa divinité?
90.         Si elle se transforme, elle n’est plus elle-même.
Veulent-ils confesser son humanité?
Si elle est telle, elle n’est plus (une vraie nature humaine).
D. Interprétation monophysite du «s’est fait chair»
Ils omettent (la parole) qui ne leur convient pas;
ils s’attachent à celle (qui dit): le Verbe s’est fait chair(27).
Si le Verbe fut fait chair,
désormais, il est chair et il n’est plus Verbe;
S’il était fait de quelque chose(28),
ce quelque chose descendant dans le monde
Aurait donc eu un commencement.
100.          Le Verbe aurait disparu et la chair serait restée là.
Si le Verbe s’était fait chair,
Le Verbe serait absorbé par la chair;
Alors le Verbe n’existerait plus
et nous aurions seulement la chair.
Voilà donc ce que tu fais de celui qui t’a créé:
une créature que tu injuries.
L’Arien est mieux que toi,
et l’on préfère Marcion à toi.
Arius lui départit
110.          plus d’honneur que tu n’en fis.
Marcion l’honora aussi
plus que toi, misérable.
En effet, Arius le confessa
comme le Créateur de tout de qui est.
Il ne le transforma pas comme toi,
il ne le traîna pas ici et là.
Marcion, lui aussi, l’appela Bon
et il ne le rabaissa pas comme toi.
Je le loue, mais non comme ces gens
120.         qui se sont perdus comme toi.
Que l’ignominie augmente pour toi
ô fils de l’Eglise qui hais ta mère.
Tu lis: le Verbe s’est fait chair,
et la parole: «il habita en nous», est dure pour toi.
Voici qu’il a dit: il s’est fait chair,
et comment a-t-il dit: il habita en nous?
La chair n’habite pas la chair,
l’os n’adhère pas à l’os.
Comment la chair (peut-elle) habiter
130.          une autre chair et y demeurer?
S’il en était ainsi, renvoie Marie
car nullement nécessaire.
Elle serait vaine la gloire d’Eve
qui, par Marie, leva la tête.
Ce serait leurre que le salut
de toute la nature humaine(29).
E. Jean 1,14: Le Verbe s’est fait chair
O Jean, pourquoi cette dispute
au sujet de ce que tu as rapporté et écrit!
Explioque-nous cette parole
140.          à laquelle beaucoup (de gens) font souvent appel.
Celui-là même qui était le Verbe
fit pour lui une chair et hair et habita en nous.
Le Verbe était au comnmencement,
mais maintenant, il fait pour lui-même un corps.
Son Essence était avec son Père,
mais il prit chez nous son humanité.
J’ai dit: en lui était toute chose,
alors qu’il n’avait pas encore de corps.
Je te l’ai exposé point par point dans l’ordre
150.          pour que ton esprit ne soit pas embrouillé.
(D’abord) je t’ai rapporté les (propriétés) divines
et ensuite les (propriétés) humaines.
J’ai parlé des (propriétés) ancienes
qui montrent qu’il n’est pas inférieur au Père
Je les ai liées à son corps
de sorte qu’il ne soit pas étranger à notre race.
J’ai dit: nulle chose (au monde)
ne possède sa stabilité sans lui.
Après t’avoir montré qu’il est le Créateur,
160.          je t’ai montré à la fin son corps.
Pour que celui qui considère son humanité
ne nie pas sa (puissance) créatrice
Et que celui qui considère sa divinité
ne refuse pas de reconnaître son humanité.
Car j’ai mêlé, dans mes écrits,
les choses d’en haut avec les choses d’en bas,
Pour que celui lit distingue
les (propriétés) respectives des deux (natures) distinctes(30),
Qu’il ne confonde pas et n’attribue
170.         ce qui est de sa divinté à son humanité.
Et qu’il ne blasphème pas encore en attribuant
ce qui est de son humanité à sa divinité.
Dans cet esprit j’ai écrit
ce qui a trait à la divinité et au corps.
Ensuite, après (avoir parlé) des deux (natures),
j’ai parlé de leur union.
Nous avons vu la gloire.
que tient le Fils Unique de son Père.
F. Les Monophysites et la négation de la divinité du Christ
Certes, (si) le Verbe lui-même s’est fait chair (comme tu le prétends),
180.          il changea et se transforma.
Prends alors ce qui est de la divinité(31)
et ôte ce qui a rapport à l’Essence (éternelle),
Alors, après qu’il fut transformé en chair
il y demeura comme il était avant?
S’il changea et devint autre chose,
ce qui lui fut enlevé, il le perdit
Et le Christ ne serait plus Dieu
mais rien qu’un simple homme.
Et où sont les vérités sublimes
190.          qu’il nous a écrites dans son Testament?
S’il y avait eu transformation (à l’Incarnation)
l’une des deux (natures) aurait disparu;
Car, si tu dis: il est Dieu (seulement),
tu caches toi-même ses (œuvres) divines;
Et si tu dis: il n’est qu’un homme,
ses (œuvres) divines te convaincront.
Par quelle issue vas-tu sortir,
toi qui restes perplexe au carrefour(32)?
Quel parti choisir
200.          toi qui ne sais pas ce qui t’est ulile?
Si tu t’attaches (à dire): il fut fait chair,
sa divinité te piquera comme un aiguillon;
Et si tu me dis: il est Dieu (seulement),
son humanité (t’imposera silence) comme une muselière.
Celui qui écrit à propos du Logos:
«il s’est fait chair et il habita en nous»
Nous a luii-même écrit:
«Dieu personne ne l’a jamais vu».
S’il fut transformé quand il fut fait
210.         notre prédication serait mensongère.
Et si Dieu est celui qui fut transformé,
alors tout homme peut le contempler.
S’il ne fut pas caché à la vie
par ce qui est étranger à sa nature,
Alors tout homme (peut) voir Dieu
tout simplement.
Si une chose qui n’est pas (propre) à sa nature
n’était pas en lui quand il fut né,
Comment Jean a-t-il (pu) écrire:
220.          personne n’a jamais vu Dieu?
G. In 1,5: La lumière luit dans les ténèbres
La lumière luit dans les ténèbres
et les ténèbres ne l’ont pas atteinte(33).
Tout homme ne comprend pas (correctement)
cette (parole) dite par Jean.
La lumière ne fut pas voilée par le péché
mais par un corps de ténèbres.
Certes, les péchés ressemblent aux ténèbres:
ils poursuivaient tous les corps et les humiliaient,
Et à cause de la lumière
230.          qui luit dans ce corps de ténèbres,
Les ténèbres la poursuivirent
mais ne purent l’atteindre.
Jean fut un témoin de la lumière(34)
pour que tous crussent par lui.
S’il n’y avait que lumière,
pourquoi aurait-on eu (besoin) d’un voile?
Pourquoi n’a-t-il pas apparu comme il était?
C’est qu’on compte en lui deux (natures).
Et s’il était une (nature) qui se serait transformée par la suite,
240.          pourquoi a-t-on trouvé en lui deux (natures)?
Ou pourquoi a-t-il volé
ce qui ne lui appartenait pas?
Pour moi, je ne sais pas
laquelle des deux tu refuses de reconnsître?
Ce ne peut être sa corporéité,
Ce ne peut être sa divinité.
Laquelle des (deux) méprise-t-il donc,
Celui qui est trop vil pour que je le nomme(35)?
Car, voici: nous voyons deux (natures)
250.          qui sont manifestement chez lui.
S’il était seulement Dieu,
sa faim et son sommeil seraient pure fiction!
Et si tu dis: le Verbe s’est fait chair,
ses miracles ne lui appartiendraient pas!
Et tu serais un sophiste mal tourné
qui se réfute lui-même par sa langue.
Un (homme) sage aurait de la retenue
pour te parler et t’écouter.
Celui qui produit de nouvelles (idées)
260.         s’imagine être quelque chose.
«Moi, je suis sage, dit-il,
car j’ai trouvé dans mon esprit ce (qu’il faut) dire.
Dans son orgueil sont pétries
des paroles de murmure bouillonnantes.
Celui qui penserait cela
devrait en avoir honte(36)!
Ou ne suffit-il pas à cet (homme) «sage»
d’être blâmé par la parole de Paul?
«S’il y a parmi vous quelqu’un qui (croit) savoir
270.          que celui-ci sache qu’il n’est rien»(37).
Cela même qu’il croit savoir
lui démontre qu’il ne sait rien
Si ce n’est ce qu’on nous dit, à savoir:
le Verbe lui-même s’est fait chair.
Il nous dit deux fois, trois fois qu’il s’est fait chair;
mais commest s’est-il fait? Il ne le dit pas(38).
Pourquoi ne veut-il pas avec ordre
nous en faire le récit dès le commencement?
Par cette (querelle) qui dissout le Verbe,
280.         il se croit vainqueur alors qu’il est vaincu (par la vérité).
H. Mt 1,18; Lc 1,35; 2 Cor 5,21
Pourquoi ne fait-il pas comme Matthieu
en commençant le récit par le commencement?
Or, celui-ci commence (ainsi) et dit:
«Telle fut la naissance du Christ:
Marie, fiancée de Joseph
fut trouvée enceinte par le fait de l’Esprit»(39).
Où est-il maintenant cet (homme) plein de jactance?
Veut-il, par hasard, nier la conception de Marie?
Il est dit qu’elle se trouva enciente,
290.           non que le (verbe) fut changé et transformé.
L’évangéliste proclame sa conception
et n’annonce pas qu’il fut transformé.
Et l’ange (dit) que l’Esprit viendra
«et la force du Très-Haut habitera en toi»(40).
On ne sait pas par où
ils introduisent la transformation en Dieu!
Et s’ils tiennent (à la parole qui dit): il s’est fait,
Paul nous a écrit: «Il s’est fait malédiction»(41).
(Nous disons): Dieu le fit malédiction
300.         par le corps qu’il reçut de nous,
Et celui qui n’avait pas fait de péché,
Dieu le fit péché(42).
Nous affirmons qu’il fut fait péché,
lui qui n’avait pas de tromperie à la bouche(43).
Lui-même, en effet, avait reçu notre malédiction
et pour cela, il se vêtit de notre corps.
La loi dit: «Maudit est-il
celui qui est suspendu à la croix»(44).
Et comme il ne pouvait nous sauver
310.         sans la croix,
Il détruisit cette malédiction par la croix,
quand son corps fut suspendu au bois.
Et depuis ce (temps), la croix est un (légitime) orgueil
pour tous ceux qui confessent qu’il y fut suspendu.
(Ainsi), cette (parole) qui dit: il s’est fait chair
(est à comprendre) comme celle (qui dit): il s’est fait malédiction
Et commecette autre encore:
celui qui est sans péché, Dieu le fit péché.
I. Témoignage de Jean-Baptsite
O Jean, filds de la (femme) stérile,
320.         que dis-tu de celui dont tu as annoncé (la venue)?
Tes paroles rejoignent celles de Jean l’Apôtre, (ton
homonyme)(45);
votre vérité (tous deux) ressemble à celle de Simon (Pierre):
«Voici, qu’après moi, vient un homme
qui était avant moi», car il est (celui qui est)(46).
Ou bien, dis qu’il est un homme et tais-toi,
ou bien, dis qu’il est (celui qui est), et garde le silence.
(Mais) tu proclames les deux (en même temps)
personne ne voudra te croire!
Dès que tu as commencé à prêcher,
330.          tu as poussé les gens à te fuir.
Oubien, proclame qu’il est un homme,
ou bien, proclame qu’il est Dieu.
«Je ne veux pas proclame plus tard
quelque chose de nouveau (dit Jean).
Je ne dis pas maintenant une partie (de ce que j’ai à dire),
(laissant) à un autre temps une (autre) partie,
De peur, qu’après son baptême, (des gens) ne me disent:
s’il n’avait pas reçu le baptême, il n’aurait pas été parfait(47).
J’ai dit qu’un homme vient après moi.
340.        et voici que je dis: il vient avant moi parce qu’il est (celui qui est)
En une seule parole, je leur ai montré
et sa divinité et son humanité.
Car, avant sa naissance humaine,
je suis né, et je suis plus ancien que lui.
Mais, avant ma naissance humaine,
il est celui qui est, car il est éternel.
J. Lc 22,42: Les deux volontés dans le Christ
Cette parole ressemble à celle qu’il a dite
tandis qu’il rendait gloire (à Dieu):
«Père, s’il est possible que passe loin de moi
350.          (l’obligation) de boire le calice de la mort!
Mais que ce ne soit pas ma volonté,
mais ta volonté, ô Père»!
Cette parole nous fait connaître encore
les deux (natures) qui sont en lui,
Par elle se manifeste sa divinité,
et par elle aussi son humanité.
Il nous montre sa divinité
par cette parol: Père, s’il est possible;
Il nous montre aussi son humanité
360.         par cette parole: mais non ma volonté.
C’est sa divinité qui crie: Père,
et son humanité qui prie et pleure.
Il montra que son Père est celui qui est
et il montra qu’il se vêtit d’un corps.
En effet, celui qui dit:
que ce ne soit pas ma volonté, mais ta volonté,
Comment (peut-il) proclamer sa volonté
si, comme ils le disent, il fut transformé?
Si celui qui est le Verbe fait chair
370.          et non quelqu’on qui assuma un autre
(Alors), cette parole: mais non ma volonté
(montre) qu’il est soumis au Père,
Et que le Père et le Fils
ont deux volontés.
Si tous deux avaient une seule nature,
(si) tous deux avaient une seule volonté,
(La volonté) qui dit: mais non ma volonté
rendrait superflue (l’autre) volonté.
Attribue cette volonté à l’humanité(48).
380.         et ne parle pas comme Arius,
Et ne dis pas qu’il s’est fait chair
pour l’en dépouiller comme fait Mani(49).
K. Première conclusion
De tous côtés tu es réfuté,
et de tes propres pièges tu es prisonnier.
«Je ne suis pas venu pour faire ma volonté
mais la volonté du Père», dit Jésus(50).
Serais-tu assez fort dans la dispute
pour m’indiquer les deux volontés?
Quand tu dis l’indicible
390.          tu divises la nature et tu te contradis(51).
Et ceci: le Fils n’est pas venu au monde
pour faire sa propre volonté(52).
Veux-tu, comme les Ariens,
(abaisser) sa nature au rang de créature?
Désires-tu lui arracher
la gloire de la divinité?
Donne (alors) une interprétation
à cette série de citations qui t’encerclest.
Est-ce que Jean, par hasard,
400.          n’a pas écrit, (inspiré) par l’Esprit,
Lui qui a parlé du Verbe
qui s’est fait chair et habita en nous?
Tu (veux) m’enchaîner par sa propre (parole);
je (veux) t’enchaîner par sa corde.
Par le fouet de ses versets,
je marpuerai ton dos
Jusqu’à ce que tu confesses
qu’il y a deux natures et un seul prosopon.
Que dis-tu de cela, ô sot,
410.          toi qui produis de nouvelles (doctrines)?
Insipide est le goût de tes paroles,
toi qui hais son corps et sa race!
Quelle rédemption veux-tu attendre
après celle qui eut lieu?
Et quelle voix de la résurrection
peut réveiller ta foi?
Si Notre-Seigneur n’a pas pris notre corps,
mais qu’il fut comme tu dis
Quelle utilité à se soumettre à un commencement,
420.         lui qui (éternel) n’a pas de commencement?
s’il a pu, sans notre corps,
racheter la création,
Pourquoi alors s’est-il fait petit
descendant de l’Essence (divine) au devenir (humain)?
Pourquoi alors ne nous a-t-il pas sauvé
tout en restant au ciel, en haut?
Il ne lui a pas suffi de se transformer
et de descendre vers la créature, lui l’inouï.
Mais il (a voulu) aussi que les hommes l’outragent
430.           eux qui ne sont même pas dignes de (toucher) ses pieds!
L. Appel aux fidèles
Pour nous, frères, nous ne le confessons pas
comme font les rénégats,
Comme ceux qui ont désespéré
de leur vie durant leur vie (sur terre).
Ils ont nié le corps qu’a revêtu Notre-Seigneur
et l’attendent à la résurrection.
Comment leurs corps (peuvent-ils) voir
ce corps qu’ici-bas ils ont refusé de reconnaître?
Et comment un fils de leur race
440.          (peut-il) les sauver de leurs fautes?
Ils n’ont pas eu l’intelligence de leur dignité,
comment ne les traiterait-il pas avec mépris?
Ils n’ont pas confessé (qu’il était de) leur race,
ils ne (pourront) pas blâmer le juge.
Ils n’ont pas voulu dire: il est des nôtres.
Comment pourrait-il dire: vous êtes à moi?
Ils ont refusé de reconnaître (qu’il était de) leur race,
il refusera de reconnaître la nature qui leur est commune.
Ils n’ont pas voulu confesser leur frère,
450.          ils seront considérés comme des étrangers.
Ils se sont dépouillés du trésor de la vie,
qui les confessera?
Ils ont haï leur propre personne,
ils ne verront pas dans leur propre personne
Celui qui se cacha dans nos membres,
pour que nous le contemplions et vivions de lui par miséricorde,
Pour que nous soyons ses frères selon son humanité,
et ses fils selon sa divinité.
A cause de notre corps, il fut notre frère,
460.          il fut notre Père à cause de sa puissance.
S’il nous revêtit à cause de sa miséricorde,
ne soyons pas ingrats envers sa bonté.
Disons lui: bénie est la nature
qui a choisi notre nature et y a demeuré.
Béni est ton trésor; pour ton bon plaisir
tu as fait de notre corps le gérant de ton trésor.
Béni est ton nom qui a revêtu notre nom,
et notre nom par ton nom fut tiré (du péché).
Bénie est ta richesse qui descendit dans notre pauvreté;
470.          elle y habita et nous enrichit(53).
Béni es-te; notre corps fut ta chambre nuptiale;
à cette chambre tu appelles les fils de ta race.
Béni es-tu; tu ne retins pas ton don
loin des pauvres corps de notre race.
Nous te confessons avec le Père qui t’à envoyé
et l’Esprit-Saint, comme il sied à la Trinité.
Tu as tracé ton image dans mes écrits,
trace ta gloire (sur moi) lors de ma résurrection.
J’ai cru en toi et en ton corps,
480.          (fais) que je te contemple lors de ta résurrection.
Fin du poème sur l’incarnation de Notre-Seigneur de Mar Isaac.

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