JOB LE JUSTE, EN QUATRE SCÈNES.

JOB LE JUSTE, EN QUATRE SCÈNES.

12- JOB LE JUSTE, EN QUATRE SCÈNES.

Job, ‘le rival’, contestant la réplique traditionnelle à l’expérience des contraintes et des oppressions, est originaire du pays d’Uç, au sud d’Édom, localisé aujourd’hui à Hauran, dans le sud syrien. Un homme probe et irréprochable, traversant une dure épreuve, et, n’y comprenant plus rien, se demande : Où est Le Seigneur ? Pourquoi cache-t-il Son visage ? Pourquoi se fait-il absent ? Qui est Dieu pour Job et qu’est Job pour  Dieu ?

Présentons la personnalité de Job en quatre séquences.

Première scène : Introduction du Livre (Cf. 1-2)

Le récit d’un homme juste en état de lutte intérieure, converti par l’auteur en dialogue entre terre et ciel, en présence du  Très-Haut.

a)-La vertu de Job.

Job, grand serviteur de Dieu, réputé pour sa droiture et son honnêteté, vit riche et heureux ; qualités morales et religieuses rappelant celles de Noé et Abraham (Gn.6, 9 et 17,1) :

«Voici l’histoire de Noé :

Noé était un homme juste,

Intègre parmi ses contemporains,

Et il marchait avec Dieu. »

« Lorsqu’Abraham eut atteint

Quatre-vingt-dix-neuf ans,

Yahvé lui apparut et lui dit :

‘Je suis El Shaddaï,

(Ancien nom divin de l’époque patriarcale)

Marche en ma présence et

Sois parfait. »

Job jouit de valeurs humaines et spirituelles : une moralité envers autrui, vécue saintement, conformément à la voix de conscience, dans le respect et la considération divine en ses choix et conduites.

Cuirassé contre tout mal, Job se reconnaît en des dons vertueux. Comment donc s’étonner si le Très-Haut le bénit, lui attribuant une grande famille, la fortune et la renommée ? L’homme juste ressemble à l’arbre bordant les eaux et prospérant en  fruits saisonniers.

b)-Le Conseil Divin.

La scène céleste prouve la corrélation entre l’épanouissement de Job et sa vertu, Le Créateur approuvant la vertu de cet homme de bien (Jb.1, 1et 2,3) :

« … un homme intègre et droit

Qui craignait Dieu et se détournait du mal. »

«…il n’a point son pareil

Sur la terre… »

Partageant le Conseil divin, Satan des Temps Anciens joue simplement le rôle du serviteur dans les limites imparties par Dieu (Jb.1, 12 et 2,6) :

«’ Soit ! dit Yahvé. Au Satan…

Évite seulement de porter la main sur lui.’

Et le Satan sortit de devant Yahvé. »

« ‘Soit !dit Yahvé au Satan,

Il est en ton pouvoir mais

Respecte pourtant sa vie.’ »

Doutant de la gratuite vertueuse de Job, Satan dit à Yahvé :

« Détruis tout ce qu’il possède,

Tu verras qu’il te maudira. »

Défiant Dieu et tentant de  renverser l’équation habituelle du Créateur qui bénit et accroît la foi du juste, Satan pense que ce qui pousse Job à la vertu, c’est sa fortune et s’il protège ses relations divines, c’est pour sauvegarder Ses bienfaits. Permettant  le défi de Satan, convaincu que la vertu de Job surpasse tout intérêt matériel, Dieu admet au tentateur d’exempter les biens de Job sans le léser en sa personne.

Dieu  consent ainsi aux épreuves de Job, Satan étant l’instigateur et l’exécuteur.

c)-Première épreuve de Job.

Satan descend du ciel sur terre et les événements se succèdent à quatre reprises de manière surprenante : Job reconnaît avoir perdu son troupeau, ses esclaves et ses enfants. Même si les motifs s’expliquent communément comme des catastrophes naturelles et suite à  des vols et des pillages, le lecteur saisit bien les manigances sataniques.

Comment Job réagit-il ? Satan, a-t-il raison ? Job, délaisse-t-il les pratiques vertueuses, devenu totalement démuni ? Ignorant les défis de Satan vis-à-vis du Seigneur et que la conviction divine voit sa vertu au-delà de toute fortune et prospérité, Job réagit doublement face à ses pertes : d’abord, profondément affecté  au niveau humain via ses comportements sociaux devant la grande affliction et le deuil ; est-il un être insensible ? Point, il se jette à terre, pétrifié de chagrin et n’arrive qu’à murmurer ces quelques mots (Jb.1, 21) :

«…Nu, je suis sorti du sein maternel,

Nu, j’y retournerai (à la terre maternelle).

Yahvé a donné,

Yahvé a repris :

Que le nom de Yahvé soit béni ! »

Gisant à terre comme cadavre à charrier au caveau, il ne se plaint pas de sa condition présente, prêt à quitter vers le shéol comme arrivé sur terre, nu, dépouillé et démuni, combien fragile dans son détachement , tel qu’au premier instant de sa naissance  .  Tous ses avoirs ne sont qu’offrande divine, sans droit sur quoi que ce soit, et bénissant Dieu restituant ses dons. Dans les tréfonds de sa grande détresse, Job le Juste avoue la suprême liberté du Créateur, glorifiant et  louant le Maître de sa destinée.

Ainsi donc, la qualité vertueuse de Job est indépendante de sa richesse, contrairement aux prétentions de Satan qui perd sa mise.

d)-Le second Conseil Divin.

Job, affecté dans ses propriétés, Yahvé certifie  que l’épreuve n’a pas changé son jugement bien qu’incité au mal par Satan ; complètement démuni et misérable, Job glorifie Dieu sans le désavouer. Malgré cette situation mettant Job à l’honneur, Satan reprend son combat en l’usurpant de toute chose : atteint dans sa santé, corps décharné, ossature amaigri, il sauvegarde sa vertu. Nouveau défi de la part de Satan qui, à l’ordre de Yahvé peut tout faire, sans porter atteinte à sa vie.

e)-Nouvelle épreuve de Job.

Éprouvé dans son corps, ulcéreux, atteint de léproserie, Job est couvert de plaies béantes et contagieuses (Lv.13, 46) :

« Statut du lépreux.

Tant que durera son mal,

Il sera impur et,

Etant impur, il demeurera à part :

Sa demeure sera hors du camp. »

Écarté de tous, solitaire altéré et pourri, assis sur un tas d’ordures, rendu indigne et souffrant, Job devient l’homme intrus, exilé des siens et de toute société. Épreuve si dure à porter et à supporter, lésant toute sa personne.

Combien comprend-il le sens de  sa solitude, sa femme lui conseillant de renoncer à sa moralité et  d’abjurer Dieu pour mourir vivement. Devant être à ses côtés pour le soutenir et l’assister, sa femme s’éloigne de lui, lui reprochant son honnêteté et sa fidélité vertueuse. Côtoyant Satan, elle désire la mort de son mari, ce que Dieu ne permet point.

L’épouse de Job reconnaît ce second examen consenti par Dieu ; indirectement subie, elle anime la joie ressentie par Satan. Heureusement qu’elle ne partage pas le défi, Dieu se fiant plutôt à son mari. Malgré tous ses maux, Job lui lance clairement des reproches :’ Ce que tu dis est  affreux ‘(Ps.74, 18) :

« Rappelle-toi, Yahvé, l’ennemi blasphème,

Un peuple insensé outrage ton nom... »

Découvrant   le manque de foi de sa femme, nouvelle épreuve d’solement plus accentué, Job essaie de la ramener à la bonne raison :

Nous acceptons le bonheur découlant de Dieu,

Ne devons-nous pas consentir au malheur ?

Dieu n’est point Celui qui donne, puis retire ses dons, mais Celui qui donne accès au bonheur, et d’autres fois aux épreuves. Mais job demeure constant dans sa croyance ; profondément blessé dans le corps et dans le cœur, il souffre de plein gré, admettant et recevant  le sublime choix de Yahvé.

Dieu gagne  son pari contre Satan vaincu. Enlaidi à l’extrême, devenu exécrable et crasseux, le Juste résiste sans offenser son Créateur.

B- Seconde scène (Cf.3 ,1-26).

Tel Élie menacé par Jézabel, la femme du roi Achab (1R.19, 4) :

«Pour lui, il marcha dans le désert

Un jour de chemin et

Il alla s’asseoir sous un genêt.

Il souhaita de mourir et dit :

‘C’en est assez maintenant, Yahvé !

Prends ma vie, car je ne suis

Pas meilleur que mes pères.’ »

Job perd tout courage, se frayant un chemin de désespoir, comme Jérémie en état de solitude mortelle après le refus de sa formation intellectuelle, lance un cri d’amertume acerbe (Jr.20, 18) :

« Extraits des ‘Confessions’.

Pourquoi donc suis-je sorti du sein ?

Pour voir tourment et peine et

Finir mes jours dans la honte. »

a)- Job maudit le jour de sa naissance (Cf.3, 1-26) :

« … Périsse le jour qui me vit naître

Et la nuit qui a dit :

‘Un garçon a été conçu.

Ce jour-là, qu’il soit ténèbres,

Que Dieu, de là-haut, ne le réclame pas,

Que la lumière ne brille pas sur lui !

… Pour nourriture, j’ai mes soupirs,

Comme l’eau s’épanchent mes rugissements.

Toutes mes craintes se réalisent

Et ce que je redoute m’arrive.

Pour moi, ni tranquillité, ni paix,

Ni repos : rien que du tourment. »

Ce monologue de lamentations traduit le désir d’un retour au néant ; pourquoi être né au malheur sous le signe de deux malédictions parallèles, celle du jour de sa naissance et celle de la nuit de sa conception. Ah, s’il n’a point vu le jour !

Car le jour est lumière. Au début de la Création, Dieu dit (Gn.1, 3) :

« Que la lumière soit ! »

Le jour haïssable de son apparition au monde étant noir et ténébreux, présence d’une futilité anéantie, Job refuse cet enfantement paradoxal à la Genèse  et assiste au vide universel des débuts de l’humanité – ce qui n’est point l’univers ordonné  par Dieu.

Pareillement pour la nuit de sa conception : une nuit qui aurait dû ne pas exister, ainsi que le crépuscule, l’étoilement des premiers astres nocturnes et l’aurore du lendemain ! Oh ! Si tout fut obscurité et nébulosités ! Tout lui semble noirceur, démentant l’arrangement  divin de la Genèse.

Pourquoi donc cet excès de révolte ? - depuis son existence sur terre, acérée est sa souffrance, en plus d’une dénégation intérieure, forme d’intention  d’auto-destruction frisant le suicide.

b)-Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein maternel ?

À la suite de Jérémie, le prophète, Job se pose des ‘pourquoi’ successifs, une interrogation élégiaque devant le mort, ressassée par le malade, sans réponse (Jb.3, 11-12) :

« Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein,

N’ai-je péri aussitôt enfanté ?

Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir,

Deux mamelles pour m’allaiter ? »

Et le psautier de s’écrier au nom de David (Ps.22, 2-32) ;

« Souffrances et espoirs du juste.

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné,

…Mon Dieu, le jour j’appelle et tu ne réponds pas,… »

Job souhaitant annihiler la grossesse de sa future naissance et y échouant, il ne lui reste que le questionnement : pourquoi suis-je né, pourquoi suis-je accepté par ma génitrice, pourquoi m’a-t-elle allaitée ?  Pourquoi n’ai-je pas péri dans le sein maternel ? Ainsi, mon existence n’aurait pas connu la douleur et je serais enterré comme les riches et les puissants, descendu au shéol sans goûter à la dure expérience. Dans les profondeurs abyssales, tous les hommes connaissent la paix, tant qu’il n’y a pas de différence entre un être humain et un autre. C’est la destinée qu’aurait subi Job s’il n’était pas né ; reposé et éloigné de tout ce qui le fait souffrir.

c)- La lumière soutient-t-elle les affligés ?

Atteignant cette question qui le concerne personnellement, Job fait partie de ceux voulant disparaître de ce monde, tant leur vie est dure à supporter. Pourquoi la vie leur est-elle conférée ? Que serait l’œuvre divine, se dit-il, s’il est Celui qui donne la Vie ?  Le cheminement à effectuer par chacun de nous,  est a priori, ignoré, plutôt une exigence de vie et une tâche impérative. L’homme n’est point le maître de sa vie et de ses jours, Dieu nous y limitant et emprisonnant. Et le peu qu’on puisse dire est que le Créateur est ‘gentil’ ; il donne sans que son présent rende les hommes heureux –Job faisant partie de ces malheureux qui souhaitent leur mort. Ainsi se présente la problématique divine aux yeux de Job.

Malgré la révélation d’une l’humanité brisée dans les deux premiers chapitres du Livre, nous décelons la constance de Job, maîtrisant  épreuves et  souffrances.

C- Troisième scène : Avènement de l’espérance.

Considéré pécheur par ses amis, malgré ses fortes endurances, vu son âpreté verbale envers le Divin, Job s’écrie (Jb.16, 19 ; 17,3 et 19,26) :

« Dès maintenant, j’ai dans les cieux Un témoin,

Là-haut se tient mon défenseur. »

«Place donc  toi-même ma caution près de toi,

Car lequel voudrait toper dans ma main ? »

«Une fois qu’ils m’auront arraché

Cette peau qui est mienne,

Hors de ma chair, je verrai Dieu. »

a)-J’ai un témoin céleste.

Il est fort aisé, pour Job, d’être consolé par des amis non souffrants. Même s’il  affronte le mal de la part des hommes, il comprend que Dieu le déchire, le brise, le tourmente et le cerne, ne le cédant que pour pleurer sa déchéance et quelques grains de terre. Malgré sa forte peine, il n’a jamais violemment agi et sa prière reste limpide et transparente (Jb.16, 11-22) :

«Oui, Dieu m’a livré à des injustices,

Entre les mains des méchants, il m’a jeté.

…Mon visage est rougi par les larmes

…Pourtant, point de violence dans mes mains,

Et ma prière est pure.

Ô terre, ne couvre point mon sang’

Et que mon cri monte sans arrêt.

…Interprète de mes pensées auprès de Dieu,

Devant qui coulent mes larmes,

…Car mes années de vie sont comptées,

Et je m’en vais par le chemin sans retour. »

Voici Job retournant vers l’espérance, revenu à la vie, le sang étant signe  de vitalité comme le précise l’Ecclésiastique. Tout proche du trépas, Job voit son sang couler à terre. Répétons ses mots : ‘car mes années de vie sont comptées, et je m’en vais par le chemin sans retour’.

Si le sang n’est pas couvert de terre, il exige la vengeance. Mais de qui  se venge-t-il ? Le ‘destructeur’ de Job est Dieu,  l’unique capable de se venger pour le sang pur, versé. Dieu serait-il contre lui-même ? Méditant cette invraisemblance, Job comprend qu’il est impossible à Dieu d’accepter la mort candide et innocente- conviction  plus intense que tous les écarts prononcés contre Dieu.

Avoir ‘un témoin’ qui plaide ‘là-haut’, dans les cieux et le défend contre d’injustes culpabilités. Job saisit de suite la mystérieuse contradiction dans l’agir divin. En effet,  les chemins de Dieu sont inaccessibles  sans engagement profond et d’intenses prières : ses souffrances provenant  d’en - haut, là où Dieu seul peut rassurer son serviteur et l’apaiser.

Découvrant les deux visages du Seigneur, Job appelle et quête Sa justice  miséricordieuse à l’encontre de Sa face grondante et menaçante. Le voilà abandonné à la compassion Divine, plus  présente  et plus vraie qu’aucun apitoiement humain.

b)-Sois mon garant, ô Seigneur !

Dieu doit vivement décider du sort de Job, la mort étant si proche, et ses trois amis, le ridiculisant et l’humiliant encore (Jb.17, 2) :

«Je n’ai pour compagnons que des railleurs,

Dont la dureté obsède mes veilles. »

Job perçoit aussitôt le passage de l’espérance certifiée vers un appel direct à l’adresse de Dieu (Jb, 17,3) :

« Place donc toi-même ma caution près de toi,

Car lequel voudrait toper  dans ma main. »

Pour saisir la portée de ces paroles, rappelons-nous l’usage juridique, quand le garant se substitue  à l’homme endetté pour arrêter la saisie en déposant une caution. Devant l’indifférence  de ses amis l’accusant, Job semble demander à Dieu de se faire lui-même son garant, tout en étant son donateur.

Ne trouvant pas moyen de régler  la situation et de se réconcilier avec Dieu, Job Lui demande aussitôt de  jouer un nouveau rôle pour défaire l’obstacle : que Dieu courroucé se mette à sa place et le désaliène de tout ce qui motive cette colère. En bref, que Dieu s’approche de lui comme figure humaine et prenne son parti.

c)-J’entrevois Dieu en mon corps.

Bildad intervient quand il remarque que Job est mécontent de ses amis. Cependant la colère de job ne modifie en rien sa situation : il doit payer  le mal commis.

Job y répond, culpabilisant Dieu en le traitant de rival. Puis il pleure sa solitude, car fui et haï par tous.  Qu’au moins ses trois amis le défendent et le soutiennent (Jb.19, 2-22) :

«… Voilà dix fois que vous m’insultez

Et me malmenez sans vergogne.

…Sachez que Dieu lui-même m’a fait du tort

Et enveloppé de son filet.

Si je crie à la violence, pas de réponse ;

Si j’en appelle, point de jugement.

…Enflammé de colère contre moi,

Il me considère comme son adversaire.

…Pitié, pitié pour moi, ô vous mes amis !

Car c’est la main de Dieu qui m’a frappé… »

De suite, Job se lève comme en procès de jugement, plaide sa cause, ambitionnant des témoins de siècles ultérieurs : Que sa défense s’incruste posthume sur roc, malgré  les inculpations de ses amis, Dieu le frappant à tort (Jb.19, 23-25) :

« Oh ! Je voudrais qu’on écrive mes paroles,

Qu’elles soient gravées en une inscription,

Avec un ciseau de fer et du plomb,

Sculptées dans le roc pour toujours ! »

Subitement, ses lèvres prononcent une parole d’espérance, plus puissante que tout ce qu’il dit précédemment (Jb.19, 25) :

« Je sais moi que mon Défenseur est vivant,

Que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. »

Soit le Dieu Sauveur de son peuple et vengeur des opprimés. Job calomnié et condamné par ses amis attend un Défenseur qui n’est autre que Dieu lui-même. N’est-ce le ‘cri du sang’ symbolisé ? Un médiateur céleste prenant sa défense  et le réconciliant avec Dieu, Dieu Vivant et si loin des idoles inertes.

Dieu recouvre le sang innocemment versé (Jb. 19,26-27) :

« Une fois qu’ils m’auront arraché

Cette peau qui est mienne,

Hors de ma chair,

Je verrai Dieu.

Celui que je verrai sera pour moi,

Celui que mes yeux regarderont

Ne sera pas un étranger… »

Job continue à croire son bonheur perdu et sa mort prochaine : Dieu n’intervenant pour venger sa cause qu’après sa mort. Toutefois, en un élan de foi, Job espère en être témoin, ‘voir’ son vengeur, escompter un retour passager à la vie corporelle pour le temps de la vengeance.

Comment cela ? En fin de compte, ‘Il se lève’, étant l’Unique, le Premier et le Dernier (Is.44, 6) :

« Il n’y a qu’un seul Dieu.

Ainsi parle Yahvé, roi d’Israël,

Yahvé Sabaot, son rédempteur ;

Je suis le premier et je suis le dernier,

A part moi, il n’y a pas de  dieu. »

Il se lève pour annoncer le Jugement, Job ‘voit’ en Lui, son propre protecteur.  Job se retrouve ‘sur sol’ et bientôt  recouvert de terre tombale (Jb.17, 15-16) :

« Où donc est-elle mon espérance ?

Et mon bonheur, qui l’aperçoit ?

Vont-ils descendre à mes côtes au shéol,

Sombrer de même dans ma poussière ? »

Assuré, rassuré, Dieu vient pour sauver Job au bon moment. Au ‘réveil’, Dieu ‘se dresse’ près de lui. Le sachant Vivant, au dernier jour, le Rédempteur l’aide à se lever de terre, ‘à se relever’, de nouveau (Jb. !9,26-27) :

« …Hors de ma chair, je verrai Dieu

…pas un étranger. »

D-Quatrième scène.

Dernière plaidoirie de Job en trois moments, quand, au départ, il se remémore son passé enchanté (Jb.29, 1-6) :

«Les jours d’antan.

Qui me fera revivre les mois d’antan,

Ces jours où Dieu veillait sur moi,

Où sa lampe brillait sur ma tête

Et sa lumière me guidait dans les ténèbres !

…quand mes pieds baignaient dans le laitage,

Que le rocher versait des ruisseaux d’huile. »

En second moment, Job revit le présent, plein de détresse (Jb.30, 1-31) :

« …Je suis la risée des gens.

…La vie en moi s’écoule,

Les jours d’affliction m’ont saisi.

La nuit, le mal perce mes os

Et mes rongeurs ne dorment pas.

…il m’a jeté dans la boue,

Je suis comme poussière et cendre.

Je crie vers Toi et tu ne réponds pas

… oui je sais que tu me fais retourner vers la mort,

Vers le rendez-vous de tout vivant.

…Ma harpe est accordée aux chants de deuil,

Ma flûte à la voix des pleureurs. »

En fin d’apologie, Job annonce son innocence (Jb.29, 2-4 ; 30,1 et 31,1) :

«Qui me fera revivre les mois d’antan,

Ces jours où Dieu veillait sur moi,

Où sa lampe brillait sur ma tête

Et sa lumière me guidait dans les ténèbres !

Tel que j’étais aux jours de mon automne,

Quand Dieu protégeait ma tente,... »

«Et maintenant, je suis la risée

De gens qui sont plus jeunes que moi

Et dont les pères étaient trop vils à mes yeux

Pour les mêler aux chiens de mon troupeau. »

« J’avais fait un pacte avec mes yeux,

Au point de ne fixer aucune vierge. »

a)-Si reviennent les  temps d’autrefois.

Job vivait dans la joie en compagnie de Yahvé : une famille fortunée et heureuse (Jb.29, 4) :

«Tel que j’étais aux jours de mon automne,

Quand Dieu protégeait ma tente. »

Homme intelligent, respecté et ayant le sens de l’équité, s’occupant des délaissés, tel un roi  envers son peuple, vivant un bonheur sans mesure (Jb.29, 8-20) :

«… A ma vue, les gens se retiraient

Les vieillards se mettaient debout.

Les notables arrêtaient leurs discours

Et mettaient la  main sur leurs bouches…

Et je disais :

Je mourrai dans mon nid,

Apres des jours nombreux comme le phénix…

Ma gloire sera toujours nouvelle et

Dans ma main mon arc reprendra force. »

Aucun homme dans l’Ancien Testament n’a autant chantonné ses années antécédentes comme job ; ne niant point que ses biens viennent de Dieu qui veille sur lui ; ces souvenirs, job s’en rappelle comme un d’un règne royal (Jb.29, 2,14 et 25) :

«Qui me fera revivre les mois d’antan,

Ces jours où Dieu veillait sur moi,…

J’avais revêtu la justice comme un vêtement,

J’avais le droit pour manteau et turban.

Je leur indiquais la route en siégeant à leur tête

Tel un roi installé parmi ses troupes

Et je les menais partout à mon gré. »

Tout ce bonheur, toute cette grandeur, tout cet intérêt pour les miséreux doit durer, car point de faille en sa conduite, au dire de Job. N’a-t-il pas surpassé les limites ?

b)-Et maintenant ?

C’était  un passé éclairé et voilà le présent ténébreux et sinistre (Jb.30, 1,9 et 16) :

« Et maintenant, je suis la risée…

Et maintenant, voilà qu’ils me chansonnent.

Qu’ils font de moi leur fable.

Et maintenant, la vie en moi s’écoule,

Les jours d’affliction m’ont saisi. »

N’est-ce Dieu la cause ? (Jb.30, 10-11 ; 19-20 ; 24-28) :

« Saisis d’horreur, ils se tiennent à distance,

Devant moi, ils crachent sans retenue.

Et parce qu’il a détendu mon arc et m’a terrassé,

Ils rejettent la bride en ma présence…

Il m’a jeté dans la boue,

Je suis comme poussière et cendre.

Je crie vers Toi et tu ne réponds pas ;

Je me présente sans que Tu me remarques…

Pourtant, n’ai-je pas tendu la main au pauvre,

Quand, dans sa détresse, il réclamait justice ?

…Je marche, assombri, sans soleil,

Si je me dresse dans l’assemblée, c’est pour crier. »

c)-J’ai signé un pacte pour mes yeux

Confrontant son passé glorieux a son présent malheureux et pitoyable, Job commence un examen de conscience ; de retour au passé, il y jette un regard transparent en profondeur : ai-je lésé en quoi que ce soit ?que mon châtiment équivaille à mes infractions et les compense sans m’abattre. Car, en fin de compte, je suis  innocent (Jb.31, 1) :

« J’avais fait un pacte avec mes yeux,

Au point de ne fixer aucune vierge. »

Et l’examen de conscience s’ébauche en quatorze positions pouvant possiblement le culpabiliser. Commençant par les fautes les plus secrètes, les désirs mauvais dont les yeux sont l’organe, jusqu’aux fraudes dans les échanges et les marchés, voire les fautes d’injustice, le manque d’humanité dans les rapports entre maîtres et serviteurs, l’acquisition malhonnête d’une terre,  la négligence des affamés, l’entraide des orphelins ou encore l’adoration du soleil et de la lune (Jb.31, 25-27) :

«Me suis-je réjoui de mes biens nombreux,

Des richesses acquises par mes mains ?

A la vue du soleil dans son éclat,

De la lune radieuse dans sa course,

Mon cœur, en secret, s’est-il laissé séduire,

Pour les envoyer de la main un baiser ? »

Ce n’est point le Décalogue des dix commandements de Dieu, simplement les écarts de l’adultère et l’idolâtrie ; non plus le sujet du 15ème et du 24 ème Psaume  ou de l’Ecclésiastique (Si.27, 15-25):

«L’hôte de Yahvé.

Yahvé, qui logera sous ta tente,

Habitera sur ta sainte montagne ?

Celui qui marche en parfait,

Celui qui pratique la justice

Et dit la vérité de son cœur,

Sans laisser courir sa langue ;

Qui ne lèse en rien son frère,

Ne jette pas d’insulte à son prochain,

Méprise du regard le reprouvé,

Mais honore les craignants de Yahvé ;

Qui jure à ses dépens sans se dédire,

Ne prête pas son argent à intérêt,

N’accepte rien pour nuire à l’innocent.

Qui fait ainsi jamais ne chancellera. »

«Liturgie d’entrée au sanctuaire.

…L’homme aux mains innocentes, au cœur pur :

Son âme ne se porte pas vers des riens,

Il ne jure pas pour tromper… . »

«Les secrets…

L’hypocrisie… »

Disponible à payer le salaire d’un forfait si commis, Job continue son examen de conscience  dans le cadre d’une alliance historique et celui d’une éducation à l’attention des sages (Jb.31, 15, 18,29-30, 14, 23, 35,37) :

«Ne les a-t-il pas créés comme moi dans le ventre ?

Un même Dieu nous forma dans le sein.

Alors que Dieu, dès mon enfance, m’a élevé comme un père,

Guidé depuis le sein maternel !

Me suis-je réjoui de l’infortune de mon ennemi,

Ai-je exulté quand le malheur l’atteignait,

Moi, qui ne permettais pas à ma langue de pécher,

De réclamer sa vie dans une malédiction ?

Car le châtiment de Dieu sera ma terreur,

Je ne tiendrais pas devant sa majesté.

Que ferai-je quand Dieu surgira ?

Lorsqu’il fera l’enquête, que répondrai-je ?

Ah ! Qui fera donc que l’on m’écoute ?

J’ai dit mon dernier mot : à Shaddaï de me répondre !

Je lui rendrai compte de tous mes pas

Et je m’avancerai vers lui comme un prince. »

Job défend ainsi sa dignité injustement pétrie dans la boue, ressentant sa capacité à prouver que Dieu  ‘a tort’. A-t-il basculé dans le péché de l’égocentrisme arrogant, et sa vertu envers le prochain, le rendant osé dans sa fausse fierté ? Toutefois, Job tend à se rapprocher de celui qui le condamne dans toute sa vérité. Il cache discrètement son Espérance : le Jugement Divin ne peut contester le jugement de la conscience humaine. Notre conscience, n’est-elle pas la voix de Dieu en nos cœurs ?

Conclusion

Job demande au Divin de montrer son Visage pour qu’il s’entretienne avec Lui. Le croyant distant, il le découvre proche. Le croyant rival, il le reconnaît amical. Le croyant non sage, il emplit chaotiquement le monde, sa souffrance vécue sans justification et parce que Dieu se comporte durement avec lui, si ce n’est injustement.

Sortant de son silence, Dieu dialogue avec Job  selon le monde ancien des théophanies de Yahvé qui manifestait sa toute puissance redoutable (Jb, 38, 39, 40,41---) :

« La Sagesse créatrice confond Job.

Yahvé répondit à Job du sein de la tempête

Et dit :

‘Quel est celui-là qui obscurcit mes plans

Par des propos dénués de sens ?...

Où étais-tu quand je fondais la terre ?...

As-tu, une fois dans ta vie, commandé au matin ?...

Les portes de la Mort  te furent-elles montrées,…’»

Job regarde l’univers, ciel et terre, à travers sa souffrance personnelle, comme s’il est le seul à endurer. Job veut disputer avec Dieu et Dieu lui oppose le mystère de sa sagesse, la grandeur de la Création, manifestée par ses œuvres.  Job se tait, muet (Jb.40, 4) :

«J’ai parlé à la légère… »

En fin d’épreuve, Job se récupère en mots : Il n’y a pas mieux que de s’abandonner dans les mains de Dieu (Jb.42, 2-6) :

«Je sais que tu es tout- puissant :

Ce que tu conçois, tu peux le réaliser.

Qui est celui-là qui voile tes plans,

Par des propos dénués de sens ?

Oui, j’ai raconté des œuvres

Grandioses que je ne comprends pas,

Des merveilles qui me dépassent et

Que j’ignore.

(Écoute, laisse-moi parler :

Je vais t’interroger et tu m’instruiras.)

Je ne te connaissais que par ouï dire,

Mais maintenant mes yeux t’ont vu.

Aussi je me rétracte et

M’afflige sur la poussière et sur la cendre. »

Il ne s’agit pas d’une vision proprement dite, mais d’une perception nouvelle de la réalité divine. Job qui n’avait de Dieu qu’une idée reçue, en a saisi le mystère, et s’incline devant la Toute - Puissance. Ses questions sur la justice restent sans réponse. Mais il a compris que Dieu n’a pas de comptes à rendre, et que sa Sagesse peut donner un sens insoupçonné à des réalités comme la souffrance et la mort.

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