Chapitre 2 :Marie Arche d’Alliance

Chapitre 2

(Marie Arche d’Alliance (1

Quand on égrène les litanies de la Vierge, nous sommes frappés par le substrat biblique qui s’y rattache. On dirait que ceux qui ont prié ces petites invocations, ont voulu résumer la Bible dans le personnage de Marie. Son Fils est le Verbe de Dieu, le Verbe que le Père a dit et en le disant il a tout dit, le Verbe qui est la plénitude de toutes les paroles des prophètes. Le Verbe que le Père a envoyé dans le sein de la Vierge. Si le Fils de Dieu est aussi le Fils de Marie, nous ne nous étonnerons plus si ce qu’il y a de plus beau dans la Bible fut tressé comme une couronne pour orner le cœur et la tête de la Vierge Marie. Elle est Tour de David, Tour d’Ivoire… Elle est Arche d’Alliance. Cette dernière appellation fera l’objet de notre méditation mariale.

Qu’est l’Arche d’Alliance dans la Bible? Quelle est sa place dans la trame des textes? Comment l’image  fut-elle appliquée à Marie de manière spéciale, dans l’Église?

a- L’Alliance

L’Alliance est une relation de solidarité entre deux contractants(2). A l’origine le mot indique un «entre-deux» (Berit). C’est une alliance entre deux individus. En ce sens, les deux époux s’échangent les alliances.

En fait, c’est l’image la plus belle pour parler de l’Alliance entre Dieu et chacun de nous. Il veut que chacun et chacune de nous soient son épouse, car il est l’Unique Époux comme dit le cantique des cantiques. Je suis à mon ami et mon ami est à moi, aurait chanté la Vierge Marie. C’est aussi une alliance entre deux rois: Le roi d’Égypte et le roi de Byblos, par exemple. Et au niveau biblique, c’est l’alliance entre Dieu et son peuple. Depuis Moïse qui est parti sur la montagne du Sinaï avec «Aaron, Nadav et Avihu, ainsi que soixante-dix Anciens d’Israël», et a entendu le Seigneur leur dire: «Vous vous prosternez de loin»(3). Ce lien entre l’homme et Dieu, comme deux partenaires, ne se trouve que dans la Bible. Dieu garde son peuple. Et le peuple promet «allégeance exclusive et fidélité absolue…».

Ceci est dit dans le premier des dix commandements: «C’est moi le Seigneur ton Dieu… Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi…» (Ex 20, 2-3). Ce Dieu se montre jaloux comme un mari par rapport à sa femme. Il est même «en colère» si sa femme le trahit. C’est cela qui est dit dans le prophète Osée. Cette communauté n’est plus mon peuple. Elle n’est plus aimée (Os 1, 6). Et le prophète poursuit: «Faites un procès à votre mère, faites lui un procès, car elle n’est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari» (Os 2, 4).

Avec ce Dieu, une alliance fut conclue. «Toutes les paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique» (Ex 24, 4). Ainsi, après la lecture du livre qui contient «le traité», Moïse asperge le peuple du sang et lui dit: «Voici le sang de l’Alliance que le Seigneur a conclue avec vous, sur la base de toutes ces paroles» (Ex 24, 8).

b- Signe de l’Alliance

Un papier avec la signature des deux contractants pouvait servir de signe, une copie se trouvant chez les deux partis. Un sanctuaire peut être construit qui rend présente la divinité au milieu de son peuple. Et avant le temple de Jérusalem, il y avait la tente du témoignage: elle témoignait de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Elle s’appelait la tente du Rendez-vous. Là Dieu s’entretenait avec Moïse qui faisait parvenir la parole de Dieu à son peuple(4).

La nuée au dessus de la tente, indiquait la présence de Dieu. Mais il y avait surtout «l’Arche d’Alliance». Qu’est donc cet objet?

C’est une châsse en bois: un genre de «cercueil» semblable à celui que nous portons le Vendredi-Saint dans nos liturgies orientales. Le mot hébreu «Aron» signifie «coffre». Et un coffre contient normalement ce qu’il y a de plus précieux. Quel était ce précieux que les hébreux portaient sur leurs épaules lors de leurs pérégrinations, ou même de leur guerre? Ce qu’il contenait résumait en fait toute l’histoire du peuple de Dieu(5).

Dans l’Arche d’Alliance, il y avait les dix paroles, les dix commandements de Dieu, écrits par le doigt de Dieu. Ils sont le résumé des «clauses» de l’alliance. Ils sont la parole de Dieu qui se fait entendre au milieu de la communauté, comme dans le cœur de chacun.

Voilà ce que dit l’Exode à propos de cette Arche: «Puis Beçaléel fit l’arche en bois d’acacia, longue de deux coudées et demie, haute d’une coudée et demie. Il la plaqua d’or pur en-dedans et au-dehors et l’entoura d’une moulure en or. Il coula pour elle quatre anneaux d’or à ses quatre pieds» (Ex 37, 1-3). C’est la grande richesse qui indique comment étaient entourées les dix paroles de Dieu.

Dans cette Arche, il y avait aussi un peu de manne. La manne fut la nourriture du peuple dans le désert; ce don de Dieu est le signe visible de la Providence. «Moïse dit: Voici ce que le Seigneur a ordonné: qu’on en remplisse un omer en réserve pour nos descendants afin qu’ils voient le pain dont je vous ai nourris au désert, en vous faisant sortir du pays d’Égypte» (Ex 16, 32).

Enfin, dans cette Arche se trouvait le bâton d’Aaron qui a fleuri. En effet, il est raconté dans les livres des Nombres qu’il y eut contestation au sujet du droit d’Aaron au sacerdoce. «Le Seigneur dit à Moïse: Parle aux fils d’Israël et fais-toi remettre par eux un bâton par tribu» (Nb 17, 11). Et Dieu poursuit: «L’homme dont le bâton bourgeonnera, c’est lui que j’ai choisi» (v. 20). Les bâtons furent déposés devant le Seigneur. «Le lendemain, Moïse vit que la bâton d’Aaron avait bourgeonné, éclos une fleur et mûri des amandes» (v. 23).

Ainsi cette Arche d’Alliance représentait la présence de Dieu au milieu du peuple. Elle était comme un drapeau qui marchait à la tête des troupes; on dirait même de cette présence, qu’elle était symbolisé par trois: les tables des commandements concrétisaient la parole de Dieu. La manne, sa présence. Le bâton d’Aaron, sa sainteté que cherchaient les prêtres par les sacrifices qu’ils offraient au temple.

2- Place de l’Arche d’Alliance

La bible parle plusieurs fois de l’Arche d’Alliance: Elle est efficace dans la guerre sainte. Elle rehausse la place de Jérusalem parmi les autres sanctuaires du pays.

a- Dans la guerre sainte

L’Arche d’Alliance accompagnait les tribus dans la guerre sainte. Normalement elle est gardée par les lévites avec une lampe à côté. C’est cela que nous lisons dans la vie de Samuel: «La lampe de Dieu n’était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le Temple (de Silo) du Seigneur où se trouvait l’arche de Dieu» (1S 3, 3). Dieu va se révéler près de l’arche au-dessus de laquelle il réside (Ex 25, 22).

Du Temple partait l’Arche pour être en tête des guerriers. Mais si le peuple est pécheur, l’Arche sera désastreuse. C’est ce qui eut lieu avec Eli et ses fils: «La défaite fut très dure; il tomba parmi les Israélites trente mille fantassins. L’Arche de Dieu fut prise et les deux fils d’Eli, Hophni et Pinhas, moururent» (1S 4, 10-11). Les Philistins avaient eu peur de la présence de l’Arche pour le combat. Ils dirent: «Malheur à nous! Qui nous délivrera de la main de ce puissant Dieu?» (v. 8).

Et dans la traversée du désert, les hébreux vont comprendre leur défaite parce que l’Arche ne sortit pas avec eux (Nb 14, 44).

Cette Arche fut puissante avec Josué; par elle, on passa le fleuve du Jourdain au fort de la crue. Le texte du livre de Josué insiste: «Le Jourdain déborde sur toutes ses rives durant tout le temps de la moisson» (Jos 3, 15) c’est-à-dire la moisson de l’orge, comme dit le grec. Le texte nous place au printemps et au moment de la fonte des neiges. Cela dit la puissance de Dieu. Même l’eau qui symbolise le mal et la mort, ne peut tenir en face de l’Arche. Et l’expérience du passage de la Mer des Joncs avec le bâton de Moïse, se renouvelle avec Josué sur le Jourdain. Une route est ouverte et Dieu se met à la tête de son peuple. Et cette présence agira avec la prise de Jéricho. Le peuple n’aura qu’à faire la procession.

Les murs tombent non par la force du conquérant, mais par celle de Dieu(6).

«Lorsque le peuple entendit le son du cor, il poussa une grande clameur et le rempart s’écroula sur place» (Jos 6, 20).

a- L’Arche d’Alliance à Jérusalem

Cette Arche accompagna les Hébreux dans leurs pérégrinations comme un signe de l’action de Dieu. Nous lisons dans le livre des Nombres: «Ils partirent de montagne du Seigneur pour une marche de trois jours. L’arche de l’alliance du Seigneur était parti devant eux» (Nb 10, 33-34). A cette Arche, Moïse parlait comme s’il parlait à Dieu lui-même. Le texte des Nombres poursuit: «Quand l’arche partait, Moïse disait: Lève-toi Seigneur… Et quand elle faisait halte, il disait: Reviens Seigneur» (Nb 10, 35-36).

C’est l’Arche partant pour une expédition. Et c’est l’Arche revenant au sanctuaire. Cette Arche entra en Palestine, mais ne put s’installer de manière décisive, en un endroit précis.

Tantôt elle est à Gilgal (Jos 7, 6), tantôt à Sichem (Jos 8, 33). Le livre des Juges nous la montre à Béthel (Jg 20, 27), et le premier livre de Samuel à Silo (1S 3, 3: 4, 3-4). C’est de là qu’elle fut prise avant d’être capturée par les Philistins(7). Mais elle ne restera pas loin du peuple pour longtemps.

Le texte du livre de Samuel nous montre les malheurs que laisse l’Arche dans le pays des Philistins. Ceux-ci comprirent et ne tardèrent pas à se défaire de cette présence gênante. Les fils d’Israël la ramenèrent alors à Qiryat-Yéarim, dans la maison d’Abinadav, sur la colline, et ils consacrèrent son fils Éléazar pour garder l’Arche du Seigneur» (1S 7, 1).

Cependant David a bien voulu placer l’Arche dans sa capitale. Ainsi il plaça sa royauté sous l’antique symbole de la présence divine; et il éleva Sion, la colline la plus sacrée à Jérusalem, au rang de résidence choisie par Yahweh. Le Ps 68, 17 parle de la montagne où Dieu a désiré habiter. «Le Seigneur y demeura toujours».

Et David ira lui-même chercher l’Arche: il dansa devant comme on danserait devant un grand monarque. Avec David, l’Arche était placée sous la tente du sanctuaire royal de Jérusalem (2S 6, 17). Avec Salomon, elle est introduite dans le Temple de Jérusalem jusqu’à la destruction du Temple en 587. Mais selon une tradition ancienne, Jérémie aurait, avant la ruine de Jérusalem, caché l’arche avec la tente et l’autel des parfums, dans une grotte du mon Nébo (2M 2, 4-5).

Mais le livre de l’Apocalypse nous dit que l’Arche d’Alliance se trouve dans le temple céleste, comme le sera Marie dans son assomption. Elle s’entend dire: «Avec moi, du Liban, ô fiancée; avec moi, du Liban tu viendras» (Ct 4, 8).

3. Marie et l’Arche d’Alliance

Tant de richesse dans cet objet sacré, n’est digne que de la Vierge. Elle est le signe de la présence de Dieu. Il suffit qu’elle s’approche d’Élizabeth pour que celle-ci s’écrie: «Tu es bénie plus que toutes les femmes, béni aussi le fruit de ton sein» (Lc 1, 42). Quand la Mère du Seigneur, comme l’appelle Élizabeth, s’approche, «l’enfant (Jean Baptiste) bondit d’allégresse dans le sein de sa mère» (v. 44). Celle qui est la toute sainte. Celle qui porte le Saint a sanctifié le fils de la stérile alors qu’il était encore dans le sein maternel.

Nous commençons par citer Saint Bernard qui compare Marie à l’Arche d’Alliance: «L’Arche d’Alliance est la figure de la Sainte Mère de Dieu; l’une est l’œuvre de Bézeléel, l’autre est le chef-d’œuvre de la puissance divine. Bézeléel fut aidé par Oliab; la Vierge des vierges a été créée, choisie, préservée, préparée et ornée par l’Esprit Saint, et par celui (Jésus) qu’elle a enfanté dans le temps. Bézeléel veut dire ombre de Dieu. Oliab, ma protection.

«Le premier représente le Saint Esprit, le second, le Fils. Bézeléel fabrique l’arche de concert avec son associé: la Sainte Trinité sanctifia pour elle la Vierge, consacra ce très-saint temple, s’y prépara une demeure très-pure, et prépara admirablement le lit sacré d’où sortirait, pour se faire connaître, l’Époux le plus beau parmi les enfants des hommes.

«Levez-vous, Seigneur, dit le psaume 131, 8, entrez dans votre repos, vous et l’arche de votre sainteté. Marie est la véritable arche, toute brillante d’or à l’intérieur et à l’extérieur, l’arche qui a reçu le trésor entier de la sanctification.

«L’Arche d’Alliance était de bois de cèdre incorruptible pour marquer la pureté de la bienheureuse Vierge Marie, qui fut très pure d’âme et de corps, et qui, après sa mort, fut préservée de la corruption».

Et Pierre de Celles de rejoindre Saint Bernard: «Marie, Mère de Dieu, est l’arche d’alliance, renfermant en elle-même tout ce qu’il y a de sacré dans le Créateur et dans la créature».

Saint Bonaventure dit dans l’exposé sur Saint Luc (ch. 2): «La Vierge fut l’arche qui contenait les mystères des divines écritures.

«C’est pourquoi elle est désignée par l’arche de Moïse dont il est dit qu’elle renfermait les tables de la loi divine.

«L’arche était revêtue d’or fin au-dedans et au-dehors. Et la Vierge est enrichie du trésor de toute sainteté. L’une avait en elle ou près d’elle tous les plus secrets mystères de l’ancienne loi; et l’autre eut tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu, toutes les merveilles de la nouvelle loi. Elle a porté dans son sein la loi de Dieu et le Dieu de la loi; elle a eu longtemps près d’elle le roi de gloire, la joie et la consolation des saints, je veux dire son bien-aimé Fils».

Dans cette ligne, poursuit Saint Bernardin de Sienne: «Par l’exaltation de la Mère de Dieu, les forces de nos ennemis sont affaiblies; et avec elle vient toujours à nous la miséricorde. Aussitôt que l’arche paraît, le Jourdain recule, les murailles de Jéricho sont renversées, l’idole de Dagon est abattue, et ceux qui la traitent sans respect sont châtiés. Ainsi, à la seule vue de la Sainte Vierge, la résistance des cœurs obstinés est détruite, et le flux des passions s’arrête, le démon est vaincu».

La liste serait trop longue, qui chante Marie comme l’Arche d’Alliance. Je termine par Saint Ambroise: «L’arche contenait les tables de la loi; Marie a reçu dans son sein l’héritier du Testament. L’arche portait la loi, Marie, l’évangile. Dans l’arche se faisait entendre la voix de Dieu; Marie nous a donné le Verbe de Dieu. L’arche brillait d’un or très pur; Marie brillait intérieurement et extérieurement de toute la splendeur de la virginité. L’arche était décorée d’un or céleste. C’est donc à juste titre que l’Église invoque Marie sous le titre de l’arche d’alliance.

Quand vous verrez l’arche d’alliance du Seigneur, votre Dieu, dit Josué au peuple, suivez-la. A la vue de Marie nous devons nous lever, l’honorer, lui témoigner notre respect, et la suivre».

Conclusion

Telles sont quelques lignes qui parlent de Marie comme l’Arche d’Alliance. Celle-ci portait les dix paroles. Marie portait dans son sein la parole, le Verbe. Éphrem le Syrien nous dit que le Verbe entra par l’oreille de Marie et sortit par sa bouche. L’Arche portait la manne. Cette nourriture de miel était donnée au peuple de Dieu durant sa pérégrination au désert. Marie est la Mère de celui qui a donné le véritable pain du ciel. Le pain qui donne la vie éternelle. D’ailleurs, l’Apocalypse nous montre la Mère et ses enfants qui fuient la persécution; ils sont nourris loin du serpent «mille deux cent soixante jours» (Ap 12, 6). C’est-à-dire durant tout le temps de l’épreuve.

Enfin, le bâton d’Aaron était dans l’Arche d’Alliance comme un symbole du sacerdoce. Et Marie est de ligne sacerdotale, étant la cousine d’Élizabeth qui est «de la descendance d’Aaron» (Lc 1, 5). Par elle, Jésus homme reçoit son sacerdoce, comme il reçoit la royauté par Joseph fils de David. L’Arche passa à Jérusalem pour être dans un lieu sacré, le Temple. Marie passa dans la montagne de Juda. Elle portait la sainteté avec elle et continuera à la porter jusqu’à la fin du monde. Et elle s’approche de chacun de nous comme elle s’approcha d’Élizabeth et de son fils Jean.

Celle qui est la Mère du Fils unique, est en fait la Mère de la multitude des frères. Par sa présence, par son assistance, elle montre la Providence de Dieu, père et mère, qui s’occupe de chacun de ses enfants.


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