Le Liban et la Bible

Le Liban et la Bible

«Viens, du Liban» (Ct 4, 8), dit l’époux à son épouse, dit Dieu à son peuple. Ce Liban, désiré par Moïse qui se plaignait de ne pas entrer en Terre promise et de ne pas voir cette belle montagne qu’il souhaitait tant contempler (Dt 3, 25). Oui, le Liban et la Bible sont deux compagnons qui se tiennent la main, pour parler comme saint Ephrem qui les associent respectivement à la nature et à l’Ecriture. La nature du Liban fournit à la Bible ses images et ses expressions, et la Bible inonda le Liban de la présence de Dieu, à tel point qu’il est question de deux montages de Dieu au Liban. Au Nord, c’est la montagne des cèdres, la montagne de Dieu sur laquelle s’est tenu Gilgamesh, le héros babylonien, et dont les bois de cèdre ont garni le Temple de jérusalem, la maison de Dieu. Au Sud, c’est la montagne de Hermon, le lieu «herem» qu’il est défendu de piétiner à l’instar du Sinaï. Seul Dieu a le droit d’y mettre les pieds. Et c’est ce que fit Jésus lors de la Transfiguration, selon une tradition antique qui met en lion la venue de Jésus à Césarée de Philippe (aux pieds de l’Hermon, l’actuelle Banias) et la gloire de sa Transfiguration sur une montagne que l’Evangile ne nomme pas (Mc 9, 2p).
Le Liban, pays de blancheur à cause de ses neiges éternelles, pays de beauté à cause de son eau abondante qui alimente le Jourdain en Palestine, l’Oronte en Syrie, l’Abana et le Parpar (2 R 5, 12) qui coulent à Damas; pays de toute sorte de verdure qui fait contraste avec le désert qui l’entoure, depuis le désert Syrien jusqu’au désert arabique et sinaïtique, sans parler du désert de Juda. Quand on parle de la Terre promise comme le lieu où coulent le lait et le miel (Ex 3, 8, 17...), si vraiment on veut penser à l’abondance, ce n’est sûrement pas vers la terre de Juda qu’il faut se tourner, mais vers le Liban et les régions visines comme la plaine d’Esdrelon.
Le Liban fut pour la Bible un lieu du communication. Les Phéniciens y pasèrent en avançant vers la côte Palestinienne jusqu’à Saint-Jean d’Acre (l’ancienne Acco) et les tribus d’Israël arrivèrent jusqu’à l’est de Tyr (surtout la tribu d’Asher). Le peuple de la Bible et le peuple de la Phénicie entretinrent des relations amicales. Entre Hiram de Tyr d’un côté, David et Salomon de l’autre.
Les Hébreux venus du désert allaient profiter du savoir-faire et des matériaux de leurs voisins pour la construction du Temple de Jérusalem, et du palais royal qu’on appelait «la maison de la Forêt du Liban» (1  7, 2). Hiram fournit le bois et la pierre, les ingénieurs et les artisans. Un certain Hiram de Tyr (1 R 7, 13) fabriqua même les différents ustendiles destinés au service du Temple. Le second Temple, construit en 518 au JC, eut lui aussi besoin du Liban et de ses cèdres (Esd 3, 1).
Les relations du Liban avec le royaume du Nord ou royaume d’Israël perdurèrent durablement et profondément après la scission des tribus, au lendemain de la mort de Salomon. Achab épousa Jézabel, fille d’Ethobaal roi des Sidoniens (1 R 16, 31), qui amena avec elle ses prêtres de Baal. Les phéniciens firent pour Omri ce qu’ils avaient fait pour Salomon, en l’aidant à construire Samarie (1 R 16, 24). Et si le royaume du Nord connut une véritable prospérité avec les Omrides, c’est grâce à son ouverture vers la Phénicie et par delà, vers la mer.
Le nom du Liban apparaît soixante-quatorze fois dans l’Ancien Testament, mais nulle part dans le Nouveau. La raison est à chercher dans la nouvelle organisation administrative de l’Orient en Syrie et en Phénicie.
La Bible parle des montagnes du Liban, de ses cèdres, de son bois, de son odeur (Ct 4, 11; Os 14, 6), de sa gloire (Is 35, 2; 60, 13), de sa neige (Jr 18, 14), de son vin (Os 14, 7), de ses fleurs (Na 4, 1).
Les villes du Liban sont très souvent citées. Tyr, soixante fois. Elle est «Sour», c’est-à-dire Rocher, l’un des noms de Dieu dans la Bible (Ps 18, 3; 62, 3...). Sidon est citée trente-quatre fois. C’est le pays de la pêche, apparenté à Bethsaïde (Mt 11, 21; Mc 6, 45). Mais on parle aussi de Sidon-la-Grande (Jos 11, 8; 19, 28) lors de l’expansion de cette ville maritime, qui domina un moment toute la côte libanaise et une partie de la Syrie. Les Sidoniens sont présents (quinze fois) avec les Tyriens (sept fois) et les Gudiblits (Jos 13, 5). Quant à la ville de Byblos, on la trouve deux fois dans 1 R 5, 32 et Ez 27, 9. Il faut mentionner aussi Baal-Gad qui est Hosbaya au Liban, et Afeqa, la fameuse grotte d’adonis. et n’oublions pas Sarepta où Elie fut accueilli chez une veuve (1 R 17) qu’il nourrit durant la famine et dont il ressuscita l’enfant. Le Christ lui-même est venu dans la région de Tyr et de Sidon (Mc 7, 31) où il a guéri la fille de la Cananéenne: celle-ci ayant poussé Jésus à «devancer» son plan. Elle n’a pas attendu son tour, dans la ligne de Mt 10, 5. Par sa foi, elle faisait partie elle aussi des fils de la maison qui ont droit au pain. elle rejoint une autre femme qui poussa Jésus à agir alors que son Heure n’était pas encore venue (Jn 2, 4). C’est Marie. Et le miracle eut lieu à Cana qu’Eusèbe et Jérôme situent dans la tribu d’Asher, c’est-à-dire au nord-est de Tyr et donc au Liban. Oui, le premier miracle johannique eut lieu au Liban, en une localité qui servait d’étape entre Tyr et Safad (Palestine) selon la géographie antique.
le Liban a été lié à la Bible et il le demeure. En effet, les études bibliques n’ont pas cessé depuis le VVIIe siècle. Les Libanais ont été nombreux à travailler à la Polyglotte de Paris. C’est encore un évêque libanais qui édita la première Bible complète en arabe, en trois volumes (Rome 1671). En 1710, le premier livre imprimé au Liban fut le livre des Psaumes. Il le fut en carchuni, c’es-à-dire en langue arabe mais avec des caractères syriaques. La même expérience se reproduisit mais avec des caractères arabes.
Il faut attendre le XIXè siècle pour que le Liban connaisse un essor vraiment remarquable en ce domaine. Les anglicans firent appel à un Libanais, Farès Chidiac, qui leur traduisit la Bible. Puis les presbytériens se firent aider par Nassif Yazigi et Boutros Boustani pour l’édition des Sociétés bibliques. Enfin les jésuites travaillèrent avec IbrahimYazigi et d’autres. Ainsi le Liban fut le cadre de trois traductions de la Bible, deux protestantes (donc sans les deutérocanoniques) et une catholique. Une concordance de la Bible et un dictionnaire biblique furent édités, sans compter les différentes «histoires saintes» et les traductions de commentaires
Au XXe siècle, la Bible des pères jésuites fut retravaillée; de même celle des Sociétés bibliques, qui devint «officieusement» une Bible commune ou «œucuménique» au sens large du terme. Des chercheurs appartenant aux différentes communautés qui vivent au Liban et même en Orient y travaillèrent. Le père Féghaly y travailla avec le poète Youssef El-Khal. Le Nouveau Testament a déjà atteint trois millions d’exemplaires. La Bible anglicane a été rééditée.
C’est au Libn qu’a été préparé «Le livre de vie (Living Bible)», dans une édition protestante. De plus, on compte au moins trois traductions du Nouveau Testament, dont l’une à partir de la Peshitto (texte syriaque officiel), deux concordances du Nouveau Testament, deux synopses, une nouvelle édition du Dictionnaire biblique, enfin, la traduction de quelques fascicules parus en français dans la collection des Cahiers Evangile.
C’est grâce à la Fédération Biblique Catholique que la recherche biblique et le travail d’apostolat biblique se sont développés: commentaires du Nouveau et de l’Ancien Testament, études fouillées, synopse dans la ligne de Kurt Aland, Dictionnaire encyclopéique de Bible et d’archéologie, livres de pastorale biblique, deux revues-l’une destinée à la formation biblique (Biblia) et l’autre spécialisée dans le domaine biblico-liturgique (Notre vie liturgique). Et n’oublions pas les différents centres de  formation (26), dont un institut biblique qui confère une licence reconnue par l’Etat libanais. le Liban rayonne sur tous les pays arabes de l’Orient comme de l’Occident. Il a déjà organisé un certain nombre de journées bibliques - pour le Liban - et de congrès bibliques - pour le Moyen-Orient. Il se prépare à recevoir l’Assemblée Plénière en 2002, autourdu livre dea Actes, avec pour thème: La parole de Dieu, une bénédiction pour tous les peuples.
Le Liban, ce petit pays de dix mille kilomètres carrés situé au nord de la Terre Sainte et à l’ouest de la Syrie; ce pays qui longe la mer Méditerranée sur quelque deux cents kilomètres, avec une population de quatre millions d’habitants; ce pays qui fut le refuge de tous les persécutés du Moyen-Orient, depuis les chites au VIIIe siècle jusqu’aux Syriens et aux Arméniens au XXe siècle. Ce pays est plus qu’un pays comme l’a dit Jean Paul II. Il a une vocation particulière. Sa mission en fait un creuset pour des minorités appelés à vivre comme au jour de la Pentecôte (Ac 2), à se comprendre pour collaborer à un projet commun. Ces minorités peuvent être divisées comme les constructeurs de Babel, mais elles peuvent aussi être unies par l’unique Esprit de Dieu qui veut réunir sous un seul Chef ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre (Ep 1, 10). C’est pour cette raison, qu’il y eut un Synode spécial pour le Liban. Puisse l’Eglise tout entière aider ce pays à relever ce défi !

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